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Coronavirus : la craft française va trinquer

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Radiographie du marché de la bière en France, fortement affecté par le coronavirus, en particulier les microbrasseries. 

Après plusieurs années d’une croissance exponentielle sans précédent, le secteur brassicole français est fortement affecté par l’épidémie de coronavirus. Sur un marché encore émergent, avec un volume de consommation relativement faible par rapport aux autres pays européens, les mois à venir donneront sans doute lieu à une profonde recomposition, marquée par le rôle des grands groupes tout autant que par la santé des nouveaux brasseurs indépendants.

Deux grandes tendances dominent le monde de la bière depuis une décennie. D’un côté l’explosion de la craft – dont les contours restent encore flous mais dont qu’on pourrait définir comme une forme alternative, indépendante et à petite échelle de la brasserie – de l’autre côté l’affirmation de la domination des mastodontes. Après une série de rachats spectaculaires, près de 50% du marché est en effet entre les mains de quatre groupes : AB InBev, Heineken, China Ressources et Carlsberg. AB InBev représente à lui seul près de 30% de la production mondiale et a brassé 567 millions d’hectolitres en 2018. À titre de comparaison, Popihn, l’un des fleurons de la craft made in France, n’a pas dépassé les 1 000 hectolitres sur la même période. 


Se souvenir des beaux jours

La France reste un pays émergent du secteur brassicole. Parmi les 28 pays de l’Union Européenne, elle pointe à la 27e place du classement de la consommation annuelle par habitant, avec un petit score de 33 litres (loin, très loin des Tchèques et de leurs 143 litres…). Côté production, on peut néanmoins parler de belle santé autant que de nouvelle vague. Il y a désormais 2 000 brasseries sur le territoire métropolitain et dans les DOM TOM, contre 200 en 2009. 70% des bières consommées sont produites en France, qui se place au huitième rang des producteurs européens. Créé en 2016, le Syndicat National des Brasseurs Indépendants (SNBi) compte aujourd’hui 1 800 adhérents et témoigne de cette vivacité hexagonale et de son caractère éminent local.

"Ninkasi"
Ninkasi, un exemple de brasserie française à succès : 25 000 hectolitres de bière produits en 2018 pour 20 variétés de bières dont 8 permanentes et un chiffre d’affaires de 25 M€ de CA, dont 6 M€ pour l’activité brasserie. © Alex Gallosi

Un marché émoussé

Ces spécificités ont rendu la crise du coronavirus d’autant plus sensible dans notre pays. Les débouchés des craft brewers sont en effet pour l’essentiel les cafés et les restaurants. Les types de bières brassées, en majorité des IPAs et ou des ales légères et houblonnées, ont de plus des délais de consommation limités et doivent se consommer fraîches. Deux tiers des brasseries ont déclaré des pertes de chiffre d’affaire de 50% ou plus depuis le mois de mars et environ 10 millions de litres de bière ont dû être détruits. Les compensations européennes et les aides gouvernementales n’ont en général pas pu combler les manques à gagner. Le secteur brassicole est considéré comme dépendant du secteur CHR mais la perte de revenu doit s’élever à 80% pour avoir droit à une indemnisation totale. Entre la difficulté à écouler rapidement les stocks et la multiplication des impayés – 30% des brasseurs estiment avoir 25% de factures en attente et 10% d’entre eux déclarent même dépasser les 50% de mauvais payeurs – le ciel s’est assombri à vitesse grand V pour les microbrasseries.

Les grands groupes ont les reins plus solides et leurs prises de participation de plus en plus nombreuses dans les petites structures – on pense notamment au rachat partiel de Gallia par Heineken – leur permettront garder l’ancrage local et de continuer à surfer sur la vague craft sans trop de conséquences. Le bilan pour les indépendants ne sera probablement pas aussi positif, mais il faudra encore attendre quelques mois avant de pouvoir en tirer les conséquences concrètes.

Peyo Lissarrague

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