L'été approche et le recrutement des saisonniers est loin d'être bouclé. Plus inquiétant, les métiers de l'hôtellerie-restauration n'attirent plus les demandeurs d'emplois.
Le baromètre d’avril du site de recherche d’emploi Indeed constate le dur retour à la réalité de l’emploi dans les secteurs « victimes » du Covid, trois ans après le début de la pandémie. Si la santé, le transport et le tourisme ont été fortement impactés, l’hôtellerie-restauration et le retail sont les secteurs dont le taux d’attractivité a le plus chuté.
Dans un climat social encore très fragile, encore engourdi par la réforme des retraites, le sujet de l'emploi reste au centre des préoccupations. Les modes de travail ont également changé, la semaine de cinq jours ne convainc plus dans le salariat, le télétravail a intégré notre quotidien, certains métiers revoient leur attractivité. Côté food service, l’heure est au grand bilan. La saison touristique approchant, sur plus de 3 millions d'offres, Pôle Emploi a déclaré en 2023 environ 400 000 emplois à pourvoir dans la restauration, dont des emplois saisonniers.
Désertion
Selon Indeed, l'attractivité du secteur de l’hôtellerie-restauration est encore très préoccupante : « Elle n’a cessé d’être inférieure à son niveau pré-pandémie depuis l’été 2021, au sortir du troisième confinement en France. Au moment même où une forte reprise économique du secteur s’est amorcée, les candidats n’étaient plus au rendez-vous, ayant saisi l’opportunité des confinements pour réorienter leur carrière. »
L'étude d'Indeed parle même de désertion des métiers de la restauration. Les raisons de ce décrochage restent les mêmes : salaires peu élevés, métiers physiquement éprouvants, peu de reconnaissance, milieux parfois rudes… 35% des sondés aimeraient plus d'avantages. 51% d'entre eux recherchent un salaire plus élevé. Nuance cependant, les métiers de la salle continuent d'attirer les plus jeunes, mais ceux de la cuisine sont à la peine, comme le rapporte France 3 Régions en Normandie, zone très touchée par le manque de recrues dans la restauration. 5 000 postes seraient encore vacants à deux mois de la saison estivale.
Dans le secteur du transport, la courbe du volume des offres a suivi de près celle de l’hôtellerie-restauration en 2020, puis a dépassé son niveau pré-pandémie à la mi-2021, croissant continuellement jusqu’à fin 2022. Pour autant, la courbe des clics par annonce relatifs met en lumière une attractivité instable, « en dents de scie ». (Source : Indeed)
Recrutements à l'anglo-saxonne
L'urgence économique est là, pour beaucoup de secteurs de l'hôtellerie-restauration, assembler des brigades et trouver un staff solide pour l'été reste la priorité pour la survie économique des établissements. Les chefs, les gérants, rivalisent d'ingéniosité pour attirer notamment les plus jeunes vers des postes saisonniers. Logement pris en charge, deux jours de congés consécutifs, salaires fixes et surtout, un recrutement plus direct, moins lourd. Exit le CV et la lettre de motivation. Certains préfèrent le modèle anglo-saxon, basé sur l'échange, la motivation et l'expérience. Ainsi les Journées sans CV du groupe Accor (leader mondial de l'hôtellerie) sont nées, une manière d'embaucher plus souple, moins contraignante pour les postulants et plus directe. En effet, le groupe, qui compte dans ses rangs près de 300 000 personnes, peine à occuper ses 1 500 postes capitaux pour cet été.
Le 17 avril dernier, le GHR communiquait 5 propositions pour assouplir les recrutements les plus urgents. Parmi les mesures proposées : faciliter l'accès au recrutement des travailleurs étrangers, « inciter fortement les recruteurs à mettre à disposition des logements pour les saisonniers, en étendant au secteur de l’hôtellerie-restauration les mesures fiscales appliquées dans le gardiennage ou la sécurité qui permet aux entreprises de récupérer la TVA sur leurs dépenses d’acquisition, d’aménagement et de mise à disposition gratuite de logements, ensuite en revoyant le régime social et fiscal de ces avantages en nature », ou encore un encadrement renforcé du statut des auto-entrepreneurs, qui occupent eux aussi de plus en plus le marché du travail.
HB / © EF Logan