Davy Tissot : « Il faut éviter l’écueil de la recopie lorsqu’un style marche »
Après avoir remporté la finale en 2021, Davy Tissot continue son exploration du concours par une autre porte, président du Jury. Entretien.
Après avoir remporté la finale en 2021, Davy Tissot continue son exploration du concours par une autre porte, président du Jury. Entretien.
Qu’est-ce que cela change significativement pour vous d’être de l’autre côté du miroir ?
J’ai quand même envie d’y retourner (rires) ! Mais aujourd’hui, place aux autres, place à la jeunesse. Cela me permet de découvrir une autre facette du concours. J’ai eu la chance d’être à la fois candidat, côté CIO, j’ai eu l’opportunité de tout « goûter ». L’adrénaline est la même, elle sera peut être différente car je ne cuisinerai pas, mais cela me permet de tout découvrir.
Vous avez sillonné le globe depuis votre victoire, qu’avez-vous observé au gré des rencontres, des territoires, comment la cuisine change-t-elle, évolue ?
Les gens sont engagés dans ce qu’ils font dans tous les pays que j’ai pu visiter. Le Bocuse d’Or est toujours porteur de valeurs et d’identités culinaires, c’est ce qui est intéressant. Ce sont des rencontres dans lesquelles il y a de l’amitié même s’il y a pu y avoir des rivalités, la fraternité est bien présente. Ce concours continue de porter ces valeurs. Côté cuisine, évidemment on découvre énormément de choses, mais je ne dévoilerai pas tout…
Avez-vous perçu une nouvelle manière de concevoir le concours de cuisine ?
Je ne pense pas, mais la France doit toujours rester à la pointe, se réinventer… À l’heure où nous parlons, Naïs Pirollet est entourée de plusieurs chefs qui viennent de divers horizons et c’est très important. C’est un travail que j’avais amorcé en faisant venir des chefs qui n’étaient pas forcément Meilleurs Ouvriers de France et qui pouvaient être à l’opposé de ma cuisine et on constate que cela prend. Beaucoup de chefs qui ne revendiquent pas de prime abord le « profil concours », viennent, montrent de l’intérêt, échangent, c’est formidable. Je pense que la victoire de la France avait fait du bien, même au-delà des cuisiniers, cela a permis une vraie ouverture, une valorisation de tous les corps de métiers et des filières.
Vous continuez de scruter l’actualité de l’hôtellerie-restauration, ses changements, ses bouleversements. Est-ce que cela a modifié votre approche du métier ?
Je pars du principe que l’on apprend en permanence. Avant ma phase de préparation, j’ai pu faire le tour de la planète durant deux mois. J’ai voulu m’inspirer, regarder, goûter, voir et analyser comprendre d’autres cuisines pour plaire à différents pays. Le Bocuse d’Or, c’est surtout plaire à 24 amis qui viennent du monde entier, 24 palais différents, 24 approches opposées, même si certains pays ou régions peuvent se ressembler dans ces approches, l’idée est de trouver la madeleine de Proust de chaque pays.
Vous qui êtes passé par diverses fonctions du concours, un détail qui a pu vous frapper dans son évolution sur ces quelques dernières années ?
L’artistique a pris le pas depuis 2011. À partir de cette année, je dirai que l'on a pu remarquer des plateaux qui avaient gagné en finesse, l’idée était de faire un mélange de tout cela et il faut que chaque pays arrive à conserver sa propre identité, sa propre touche, ne pas copier, créer une vraie différence. De notre côté, nous nous étions entourés de scientifiques, nous avions exploré le cognitif, les textures, les températures de cuisson. Il faut éviter l’écueil de la recopie parce qu’un style marche. J’ai envie d’être surpris en permanence. Je ne conçois plus la cuisine de la même manière, c’est toute la richesse de ce concours, .
HB
Photo : White Mirror