Coronavirus : « Situation économique dramatique » à Bordeaux
En zone d’alerte renforcée depuis le mercredi 23 septembre, Bordeaux échappe au couvre-feu, annoncé dans huit métropoles de l’Hexagone par Emmanuel Macron mercredi 14 octobre.
À Bordeaux, l’été a été vécu comme « une bouffée d’oxygène, même si le regain d’activité n’a pas été suffisant pour redorer la trésorerie, très impactée par les deux mois de confinement », nous explique Laurent Tournier, président de l’UMIH 33 (Union des Métiers des Industries et de l’Hôtellerie). Mais l’embellie estivale n’aura pas duré longtemps. « Nous avons connu en septembre une baisse drastique de l’activité, de l’ordre de 70 à 80% pour certains hôteliers », poursuit-il. Les raisons ? Tourisme international en berne, annulation de grands évènements sportifs, d’évènements au parc des expositions, accélération du télétravail.
Le 23 septembre, le ministre de la Santé Olivier Véran plaçait la métropole girondine et 7 autres métropoles en zone d’alerte renforcée : le taux d’incidence du virus, qui en mesure la circulation, avait franchi le seuil des 150 personnes positives pour 100 000 habitants sur une période de 7 jours (le premier niveau d’alerte est placé à 50).
« Nous sommes en train de crever »
La fermeture des bars à compter de 22 heures, mesure effective depuis le lundi 28 septembre, fut l’une des mesures phares pour ralentir la progression du virus, et éviter le relâchement des gestes barrière en fin de soirée. « Nous faisons le plus gros du chiffre d’affaire entre 22 heures et 01 h 45. Nous avons cette semaine (celle du 28 septembre), moins 70 à 80% de clients. Il ne faut pas que cela dure ! » avait expliqué à France 3 Antoine Paul, du Café Brun à Bordeaux. « On prend tout dans la gueule, ça devient insupportable. Nous sommes en train de crever », avait tonné Philippe Etchebest, chef du Quatrième Mur sis Grand Théâtre, sur le plateau de France Info, lundi 28 septembre.
Les bars et restaurants se sentent stigmatisés. Si Laurent Tournier admet un petit « laisser-aller » durant l’été et demande « aux autorités de multiplier les contrôles pour que les protocoles sanitaires soient respectés dans nos lieux », il estime que les individus « attrapent moins le Covid dans nos lieux que lors de fêtes privées, au travail et dans les transports en commun ». Les chiffres de Santé Public France, qui a répertorié les clusters par type de collectivité entre le 9 mai 2020 et le 5 octobre 2020, semblent lui donner raison.
Dans le sillage de Philippe Etchebest, deux manifestations ont eu lieu, les vendredi 2 et 9 octobre, afin d’alerter les pouvoirs publics sur les menaces qui pèsent sur la profession. S’il n’y pas, actuellement, d’entreprises en cessation de paiement comme l’explique Laurent Tournier, la situation n’en demeure pas moins « dramatique », selon lui. « Le chômage partiel ainsi que le prêt garanti de l’État perfusent de nombreuses entreprises. Mais c’est reculer pour mieux sauter. Il faut que ces mesures soient suffisamment installées dans le temps pour permettre aux entreprises de récupérer leur trésorerie ». Il salue ainsi la prolongation du dispositif de prêt garanti par l’État (PGE) du 31 décembre 2020 jusqu’à 30 juin 2021, mais réclame une baisse des charges sociales (*).
La crainte d’un exode
Bordeaux a échappé au couvre-feu car les mesures prises fin septembre semblent freiner le virus. Le taux d’incidence en Gironde a diminué (96,6/100 000 habitants du 28 septembre au 4 octobre, contre 101,9 du 22 au 28 septembre et 140 du 7 au 13 septembre). Il y a cependant des disparités, puisque Bordeaux Métropole affiche un taux d’incidence de 150,4, et Bordeaux 190,6. Au 6 octobre, les patients Covid en Gironde, au nombre de 31, occupaient 13% des lits de réanimation, alors que le seuil d’alerte se situe à 30%.
Néanmoins, Laurent Tournier craint que le couvre-feu entraîne un exode vers Bordeaux et le littoral, a fortiori avec l’arrivée des vacances de la Toussaint. Ce qui boosterait l’activité, alors que le taux d’occupation des hôtels, « habituellement de 70 à 80%, se situe actuellement autour de 10, 15% », dit le président de l’UMIH 33, qui craint cependant en retour que ce brassage de la population fasse repartir le virus à la hausse dans la région.
L’UMIH estimait qu’au niveau national, environ 15% des 220 000 entreprises du secteur cafés, bars, hôtels, restaurants, brasseries, discothèques pourraient mettre la clé sous la porte dans les mois à venir. 220 000 à 250 000 salariés pourraient se retrouver au chômage.
C’était avant les mesures énoncées par Emmanuel Macron, mercredi 14 octobre. « Je pense que ces chiffres sont en deçà de la réalité. Les nouvelles mesures vont fragiliser un tissu économique déjà considérablement fragile », relève Laurent Tournier.
Par Quentin Guillon
(*) Les établissements des secteurs de l’hôtellerie, des cafés, de la restauration, de la culture, de l’événementiel et du sport n’auront plus non plus à payer de cotisations sociales patronales jusqu’à la fin du couvre-feu si leur perte de chiffre d’affaires atteint 50%.