Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility David Gelb, l’homme qui a révolutionné le documentaire culinaire | Sirha Food

David Gelb, l’homme qui a révolutionné le documentaire culinaire

Le 04 septembre 2025

Plus jeune, David Gelb s’imaginait qu’après ses études de cinéma à l’Université de Californie du Sud, on l’appellerait pour rejoindre l’équipe du prochain Harry Potter. Devenu réalisateur, spoiler, il n’a pas filmé les aventures du sorcier à lunettes. Passionné de comics de super-héros, il a plutôt réalisé un rêve d’enfance en étant assistant sur Spider-Man 3 (2007), puis, bien plus tard, en réalisant un documentaire sur Star Wars. En réalité, il a même fait mieux : il a révolutionné le documentaire gastronomique avec Chef’s Table. Ce n’est pas nous qui l’affirmons, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : la série a récolté 11 nominations aux Emmy Awards, la plus prestigieuse récompense de la télévision américaine. 

Plus jeune, David Gelb s’imaginait qu’après ses études de cinéma à l’Université de Californie du Sud, on l’appellerait pour rejoindre l’équipe du prochain Harry Potter. Devenu réalisateur, spoiler, il n’a pas filmé les aventures du sorcier à lunettes. Passionné de comics de super-héros, il a plutôt réalisé un rêve d’enfance en étant assistant sur Spider-Man 3 (2007), puis, bien plus tard, en réalisant un documentaire sur Star Wars. En réalité, il a même fait mieux : il a révolutionné le documentaire gastronomique avec Chef’s Table. Ce n’est pas nous qui l’affirmons, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : la série a récolté 11 nominations aux Emmy Awards, la plus prestigieuse récompense de la télévision américaine. 

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Netflix ne communique jamais ses chiffres, mais la plateforme aux 300 millions d’abonnés doit être suffisamment satisfaite : aux 6 premiers portraits diffusés en 2015 — Massimo Bottura, Dan Barber, Francis Mallmann, Niki Nakayama, Ben Shewry et Magnus Nilsson — ont succédé quelque 50 nouveaux épisodes, déclinés en une myriade de thèmes (pâtisserie, France, pizza, barbecue, nouilles…). Avant le carton de Chef’s Table, c’est le documentaire Jiro Dreams of Sushi qui l’a révélé. Ce long métrage, centré sur le maître sushi japonais Jirō Ono, est d’abord sorti en salles avant d’être diffusé ensuite sur Netflix. 

Mais tout n’a pas été simple. « Quand je préparais Jiro, je n’arrivais pas à trouver de financement. J’ai emprunté de l’argent à mes grands-parents et à mon père, et ils ont tous trouvé que c’était une mauvaise idée. Même Jiro pensait que ce serait ennuyeux, car il craignait que personne ne veuille le voir masser une pieuvre pendant trois heures. Mais j’ai persévéré. J’ai filmé cette pieuvre sous environ 25 angles différents, car je savais qu’il se passait quelque chose de spécial », a-t-il déclaré au média The Talks. Un an de montage a été nécessaire pour celui qui fut longtemps obsédé par le contrôle et qui a appris à déléguer… au contact des chefs et de leurs brigades. 

Après les salles obscures, c’est Netflix qui a accueilli Jiro. Ce film s’est révélé décisif : c’est parce qu’Alain Passard l’a adoré qu’il a accepté d’être filmé dans Chef’s Table. Le timing est parfait pour le projet : un nouveau service de Netflix dédié au documentaire cherchait à acquérir des contenus, et l’un des directeurs de l’entreprise a été séduit par le travail de David Gelb. « Ce qui nous a vraiment frappés, c’est sa capacité à saisir des histoires incroyables autour des chefs, mais aussi la force cinématographique des plats qu’ils concoctent. Nous avons donc pensé que ces deux éléments pouvaient créer une synergie, une narration capable de redéfinir le monde de la restauration. Et nous avons réussi », résumait Adam Del Deo, vice-président des films et séries documentaires de Netflix aux États-Unis, dans le magazine Bon Appétit en avril dernier. 

Avec Chef’s Table, pas d’explications techniques : on parle des gens. D’où vient la motivation des protagonistes ? Pourquoi font-ils tout ça ? « Parlez-moi de votre père », avait tenté Gelb à Massimo Bottura, qui a quitté le plateau après cette question. Pas de présentateur non plus : contrairement aux émissions culinaires classiques, ce sont les chefs qui se racontent directement, en parallèle de personnages secondaires — souvent des critiques gastronomiques locaux. Pourquoi se livrent-ils autant ? Parce qu’ils finissent par être… épuisés, interviewés pendant des heures, pour explorer une « nouvelle vérité » et sortir du récit rabâché habituellement aux médias. Cela est possible parce que le tournage dure deux semaines. Au début, aucune toque célèbre ne voulait accorder quinze jours de son temps, d’autant qu’on laissait du matériel de production dans le restaurant : des lumières installées en cuisine et une caméra robotisée fixée au plafond pour capturer les fameuses images au ralenti qui ont fait le succès de l’émission. 

David Gelb peut aussi remercier ses parents. Sa mère, Donna Gelb, est autrice culinaire : elle conçoit des recettes pour des livres depuis le début des années 2000, et a notamment écrit un ouvrage de l’Argentin Francis Mallmann, filmé lors de la première saison. Elle a également remporté, avec Ilene Rosen, un James Beard Award, l’équivalent des Oscars dans le milieu culinaire, pour Saladish, publié en 2018. Donna testait de nouvelles saveurs pour les magazines où elle travaillait, et emmenait souvent son fils dans les meilleurs restaurants de New York. Quant à la musique classique, omniprésente dans la série, elle ne vient pas de nulle part : David est le fils de Peter Gelb, ancien président du label Sony Classical Records, puis directeur général du Metropolitan Opera de New York. 

On dit qu’obtenir une étoile Michelin génère 30 % du chiffre d’affaires en plus pour un restaurant. Être l’objet d’un épisode de Chef’s Table offre sans doute encore davantage, avec un vivier de clients venus du monde entier. Francis Mallmann estimait qu’après la diffusion de son épisode, 95 % des courriels de collaboration reçus provenaient de la série. « Chef’s Table sur Netflix offre aux chefs un nouveau chemin vers la célébrité », titrait Bon Appétit en 2016. C’est encore vrai dix ans plus tard, avec une saison entièrement consacrée à des légendes de la gastronomie telles que Jamie Oliver, Alice Waters ou José Andrés.

Par Pomélo