La boulangerie-snacking en lumière avec Fabrice Cottez à Sirha Europain

« Tu peux montrer le geste que tu fais pour checker la cuisson ? » Un conseil température idéale de four ou de repos par ci, une astuce de pliage, de conservation, technique par là… Fabrice Cottez aura été un animateur de scène en ébullition permanente, qui observe son public comme on veille sur un levain, attentif au moindre questionnement, un œil sur la montre, l’autre sur l’exécution de ses invités et l’oreille tendue pour devancer ou laisser s’exprimer les questionnements. Et de sympathiques petits tricks : « Y a une règle : qui pose une question gagne une dégustation »

L’instinct du boulanger

Tout au long des quatre jours de Sirha Europain, la scène a affiché complet, débordant même en permanence dans les allées alentour, à chaque démonstration. Les deux micros à chaque extrémité du plan de travail à disposition du public pour les questions ont beaucoup servi, car ce sont de vrais passionnés qui sont venus assister aux masterclass. Passionnés de boulange… ou de Fabrice Cottez. 
Car ce Dijonnais de naissance, Bordelais d’adoption, « boulanger globe-trotteur » (passé par l’Afrique, premier continent consommateur de pain, avant de devenir formateur de CAP boulangerie en banlieue bordelaise), âgé de tout juste 33 ans, est une véritable star des réseaux sociaux. L’audience de sa chaîne YouTube, d'abord créée (en 2018) pour proposer des tutoriels de révision pour ses élèves, a explosé pendant les confinements. Avec près de 120 000 abonnés à travers le monde (+ de 10 millions de vues !), Boulangerie pas à pas est devenue la chaîne numéro 1 des fadas de boulangerie, qui y apprennent à fabriquer des pains et de la viennoiserie à la maison, en famille, dans la bonne humeur, tout en suivant des techniques de pros adaptés aux particuliers. Le garçon affiche aussi 40K d’abonnés sur Instagram, + de 15K d’abonnés Facebook et un livre de recettes sorti l'an dernier qui s’est écoulé déjà à près de 10 000 exemplaires. « À travers mes vidéos, mes stages et conférences, j’aide toutes les personnes qui me font confiance à atteindre leurs objectifs et à développer leur instinct de boulanger. La boulangerie fait partie de moi et transmettre cette passion est un vrai bonheur. »

Le spectacle est partout

Un argumentaire que l’on dirait calibré pour du marketing, mais en définitive foncièrement sincère. Dans le public de la scène Boulangerie-snacking, sa première expérience de « show culinaire », des fans de tous âges, des pros, des MOF, des amateurs, des étudiants, des collègues boulangers et pâtissiers, on croise Fatima et Patrice. Fatima, une maman qui adore régaler sa famille avec des recettes de pros, qu’elle rencontre à la moindre occasion. Elle est venue chaque jour. S'enrichir des conseils de prestige, vu la programmation. On ne reconnaît pas tout de suite le Patrice qui l’accompagne ce jour-là (car on ne peut pas tout savoir, heureusement), à la musculature aussi sèche que celle de Fabrice, mais moins de tatouages à première vue. Assez vite, il nous résout le mystère : il s’est fait remarquer à la télé pendant la saison 9 du Meilleur Pâtissier sur M6 ! 
Ils sont là pour voir le MOF Joël Defives et sa technique pour réaliser des canelés, et Sébastien Lagrue, énergique artisan boulanger-pâtissier dans les Hautes-Pyrénées à Argelès-Gazost depuis près de trente ans, champion du monde de la chocolatine, qu’il réalise striée ce jour-là. Et rebelote le mardi avec le même brio. 

Le spectacle est partout, sur scène avec l’artisan, ses tours de main et ses explications, et dans l’arrière-cuisine, offerte à la vue du public derrière ses cloisons vitrées. Petit embouteillage pour voir la technique de laminage de la pâte striée, vite disséminé dans la bonne humeur par le maître de scène. L’avantage d’avoir au micro quelqu’un qui maîtrise son sujet, c’est que Fabrice complète toujours les propos de ses invités avec ses connaissances propres, lisant parfaitement son auditoire, précédant les questions, identifiant les incompréhensions, repérant ceux, et surtout celles, qui reviennent inlassablement. Sébastien Lagrue : « On se connaît déjà, on a déjà fait des vidéos ensemble, mais c’était notre premier show. ». Il a adoré être ainsi mis en scène, en confiance. Le jour de son anniversaire.

Homard, curcuma et encre de seiche

L’invité suivant, que Fabrice connaît moins, est tout aussi à l’aise ici. Moise Sfez, 26 ans, champion du monde de lobster roll. Sorti d’école hôtelière, parti d’une cabane au BHV Marais pour finir par placer ses Lobster rolls (« les vrais ! ») au Royal Monceau, au Peninsula, à Cannes, Saint-Tropez, Marseille et à Saint-Barth, sous les tropiques. « Au restau, il nous faut 30 secondes pour en monter un, là, je vais vous expliquer des choses et je suis seul, donc je vais mettre… allez… 2 minutes… » Son pain, d’un briochage d’une légèreté folle, pas sucré, a nécessité 8 mois de conception, avec le MOF Joël Defives. Une recette qui restera top secrète, malgré toutes les tentatives de Fabrice de la lui extorquer. Tout au plus saura-t-on qu’il met 24 heures à le confectionner. Par respect pour le grand public, le boss du Homer Food Group a apporté une recette traditionnelle de roll. Il a livré ses astuces de moulage, de découpe et de toastage (« sur la mie ») de la brioche. « Je tartine de beurre clarifié, c’est pour bien digérer, au citron vert », touche d’agrume qui se retrouve dans sa garniture, mélange de homard (65 grammes), mayo au sel de céleri. C'était joyeux et gourmand.
La dernière masterclass de la journée du lundi avec Damien Besson, originaire de l’île de la Réunion, formé chez les Compagnons du Devoir et du Tour de France, médaillé d’or au World Skills 2017 catégorie boulangerie, se passe en roue libre et en ligne droite pour un étonnant viennois curcuma au cœur – qui ne doit pas ressembler à un champignon – d’encre de seiche, devant le MOF Thomas Marie, notamment. 

Au menu de son dernier jour : du blé, rouge de Bordeaux, du levain naturel, le Saint-Honoré, le sandwich végétal et le pan bagnat… Une programmation qu’il a pris plaisir à peaufiner avec Agathe Beulin pour son dernier salon.

Audrey Vacher
© Alex Gallosi