Le changement climatique met les AOP fromagères à rude épreuve
Le réchauffement climatique impacte directement les filières AOP fromagères, forçant les producteurs à réévaluer leurs méthodes pour répondre aux exigences de qualité et préserver les terroirs.
En bref
Les appellations d'origine protégée (AOP) de la région Bourgogne-Franche-Comté, incluant l'époisses, le comté et le mont d'or, font face à des défis climatiques majeurs. En raison des sécheresses, le pâturage se raréfie, obligeant les éleveurs à compléter l’alimentation du bétail avec du foin. La modification des cahiers des charges devient une nécessité, comme l’illustrent les adaptations pour l’époisses, où la part d’herbe fraîche a été réduite de 50% à 40% dans la ration animale, et pour le comté, dont la superficie minimale de pâturage par animal a été augmentée pour renforcer l’autonomie alimentaire. Cet enjeu révèle un besoin urgent d'adaptation aux changements climatiques pour les filières AOP et la nécessité d'une autonomie locale accrue.
Ce qu’il faut retenir
• En 2022, 47% des 179 800 tonnes de fromages AOP de vache produits en France proviennent de Bourgogne-Franche-Comté.
• Entre 2021 et 2022, la production de comté a chuté de 64 500 à 63 500 tonnes.
• Depuis 2015, le Syndicat de l’époisses a sollicité trois dérogations pour remplacer l’herbe fraîche par des alternatives en raison des sécheresses.
Décryptage et Analyse
Adaptation nécessaire : Les AOP fromagères, garantes des traditions, voient leurs standards menacés par des phénomènes climatiques imprévisibles. Cette situation oblige les acteurs à réviser les cahiers des charges, tout en respectant l’identité et la qualité du produit. Les cahiers des charges doivent s'assouplir pour garantir la continuité de la production tout en renforçant l'autonomie territoriale.
Économies d’eau et gestion durable : La filière doit faire face aux pénuries d’eau, les périodes de déficit hydrique imposant parfois une réduction de 10% de la consommation. L'adoption de technologies de gestion de l'eau, comme les sondes de rinçage chez certains producteurs, permet de rationaliser les usages et de maintenir la production dans des conditions durables.
Effets de saisonnalité sur la demande : Les hivers doux influencent la demande pour des produits dits "météo sensibles" comme le mont d'or ou le morbier. Cette variabilité saisonnière engendre des incertitudes commerciales, forçant les acteurs à anticiper et à adapter leurs stratégies de marché.
Enjeux sanitaires et coûts élevés : Les étés humides favorisent les bactéries pathogènes, entraînant des pertes et un contrôle sanitaire rigoureux, coûtant jusqu’à 50 € par kilo d’époisses. Ces exigences sanitaires croissantes impactent directement les marges des producteurs.
Opportunité business
Pour faire face aux effets du changement climatique, les filières AOP pourraient explorer des solutions d’adaptation, comme la diversification des sources de fourrage ou la création de pâturages résilients via des semences adaptées aux sécheresses. Des investissements dans des technologies de gestion de l'eau et des systèmes de refroidissement écologiques pourraient aussi limiter les pertes. À terme, une transition vers des modèles de production plus autonomes, utilisant des ressources locales et naturelles, pourrait devenir la norme, offrant aux AOP une résilience accrue et un positionnement unique sur un marché en quête de durabilité.
Alice Polack