Après un premier semestre chargé en événements, continuité de la pandémie, guerre en Ukraine, flambée des prix, le tourisme français reste fort. Bilan.
L'année 2022 a très mal sur le plan global, en Europe. La crise sanitaire, puis la guerre en Ukraine a bouleversé l'ordre actuel tant sur le plan géopolitique, humain, que dans l'approvisionnement des pays au niveau des ressources, intrants agricoles, matières premières, et enfin, flambées des prix à tous les niveaux. La présidence française a également annoncé avec gravité peu avant la reprise que la fin de l'abondance avait sonné, pavant le chemin vers une sobriété, notamment énergétique, plus que souhaitée.
Avant cette période d'austérité automnale annoncée, le rendez-vous des vacances a bien eu lieu pour beaucoup de Français. La chaleur, le climat anxiogène général ont poussé les Français à partir en vacances près ou loin, voire à leur porte pour profiter des terrasses ou s’attabler aux restaurants (presque) sans regarder la note. Oui, contre toute attente, l’été a été un très bon cru touristique. D'après le ministère de l'Économie et de Finances, 7 Français sur 10 ont bien pris la route cette année. En Île-de-France tout d'abord, la fréquentation touristique au premier semestre 2022 avait augmenté de plus de 218% par rapport à ce même semestre en 2021. Une irrésistible remontée qui n'a pas été impactée par les différentes événements à cette période de l'année. Les internationaux proches (Belgique, Grande-Bretagne, Allemagne...) ont bien répondu à l'appel en choisissant de nouveau la capitale comme lieu de vacances.
Toutes régions confondues, l'hôtellerie a notamment enregistré une hausse de +22,2% de recettes en moyenne par chambre par rapport à 2019. En PACA, le chiffre atteindrait +30% de hausse. La France continue de plaire aux français l'été, puisque 9 d'entre eux sur 10 ont élu l'Hexagone comme lieu de vacances. ADN Tourisme précise que déjà 43% des régions peuvent d'ores et déjà annoncer pour septembre une fréquentation supérieure à celle de 2021.
Le climat, pas encore dissuasif
Les sécheresses, les canicules qui s'enchaînent n'ont pourtant pas découragé les Français qui ont tout de même choisi le tourisme de proximité d'après ADN Tourisme. Il prendrait même de l'ampleur en période de pic de chaleur : 24% des Français déclarent s’être rendus davantage qu’en 2021 dans un lieu de baignade proche de chez eux. Dans l’ensemble, les lieux et activités en extérieur ont été également plus recherchés que l’année dernière.
Par ailleurs, la crise du pétrole et le prix des carburants, pour rappel le diesel s'envolait à plus de 2 euros le litre et dépassait le prix de l'essence en juin, les Français ont aussi fait le choix du train. La SNCF a enregistré un record d'achat de billets entre juillet et août puisque plus de 23 millions de billets ont été vendus, une hausse de plus de 10% par rapport à l'été 2019. Une golden year pour le service public français qui continue sur sa lancée en septembre.
Le retour à table, non sans concession
Les aides aux restaurateurs ont permis à beaucoup de se maintenir à flot, malgré les fermetures en cascade au sortir de la pandémie. Selon le cabinet Altares et l’assureur GSC, 19 000 chefs d'entreprises ont dû déposer le bilan suite à la pandémie, parmi lesquels, beaucoup d'hôteliers restaurateurs. Comme le précise l'étude rapportée par France Info fin août, les causes seraient conjoncturelles plus que structurelles : « Des licenciements de petits patrons enregistrés sur les six derniers mois s’expliquent essentiellement par les difficultés d’approvisionnement et la perte de pouvoir d’achat des ménages qui ralentit la consommation. » Mais l'enquête de conjoncture des services fournie par l'Insee et rapportée par le ministère de l'Économie et des Finances en août 2022 indique notamment « une activité très dynamique dans la restauration : les entreprises sont plus nombreuses qu’habituellement à déclarer une activité en hausse sur les trois derniers mois (juin-août) par rapport aux trois mois précédents (mars-mai). »
consulter l'enquête mensuelle de conjoncture dans les services - août 2022 de l'INSEE
Interrogé au micro d'Europe 1 début septembre, Stéphane Manigold, président de l'UMIH en Île-de-France se réjouissait de voir le secteur hôtellerie-restauration reprendre des couleurs après deux années pandémiques plus qu'anémiées : « Les salariés de tous les commerces dits non essentiels qui ont été fermés pendant cette crise ont bénéficié de 84% de leurs revenus » et précisait que la lancée pouvait se poursuivre grâce à des chiffres, qui eux, sont bien passés au vert. Le secteur a progressé de 20% cet été, malgré un manque cruel de personnel et un climat brûlant dans certaines régions, poussant les vacanciers à déserter, parfois, les terrasses en plein air.
Le digital en hôtellerie-restauration continue de consolider son rôle dans la quantification des données de réservation. Le géant du booking de table en ligne The Fork confirme cette belle envolée de fréquentation dans son rapport de l'été 2022. D'après les données récoltées, les restaurants en France enregistrent une belle croissance avec +26% de réservations cet été par rapport à 2021 et retrouvent presque les niveaux de 2019 (-1,9%). D'après leur données internes, le ticket moyen cet été (juillet-août) au restaurant aura été d’environ 30 et 40€ (près de 30% des réservations en France ainsi qu’au global en Europe).
La ministre du Tourisme, Olivia Grégoire a notamment présenté un vaste plan de campagne le 13 septembre dernier baptisé Destination France, qui a pour ambition de redorer le blason du tourisme hexagonal et surtout, de convaincre les plus jeunes à choisir des emplois axés sur le tourisme. Comme le rappelle le ministère, ces métiers représentent environs 8 millions d'emplois directs et indirects et 8% de la part du PIB du pays. Le manque d'attractivité perdure, c'est pourquoi le gouvernement passe la quatrième avec cette campagne qui propose de la documentation sur le secteur et des milliers d'offres d'emploi pour garantir une main d'œuvre plus conséquente d'ici à 2023.
Hannah Benayoun
© Shang Di et Stéphanie Leblanc