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Prix Omnivore, cuvée 2022

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Le palmarès d’Omnivore reflète dans une belle harmonie la nature profonde des émotions vécues à table, au grand air, à l’écoute et/ou à la découverte de nos sept primés. 

LE CRÉATEUR
Mathieu Rostaing-Tayard

« J'apercevais de gigantesques sillons qui se perdaient dans l'obscurité lointaine et dont la longueur échappait à toute évaluation. » Jules Verne résonne quand on regarde Mathieu Rostaing-Tayard dans le rétroviseur.   
Révélation 2015 alors qu’il creusait son Sillon, version Café, à Lyon, Mathieu Rostaing-Tayard a taillé sa route depuis, le front toujours traversé des sillons de concentration, le regard un peu noir, le cuir pas souple mais de caractère, le fou rire rare mais le sourire volontiers frondeur, la parole économe mais juste (l’épure jusque dans le discours, que voulez-vous de plus ?) et l’exigence croissante. Cette année, on s’est attablés, on a écouté, on est allé voir, toucher de près et au plus juste ce que la cuisine d’aujourd’hui propose d’omnivore dans sa globalité. Pour finir par énoncer une évidence : Mathieu Rostaing-Tayard sera le Créateur 2022. Aux fleuves lyonnais (les trois, Beaujolais compris), il a préféré la sauvagerie atlantique et s’est posé à Biarritz en son climat tropical, dans une rue calme (oui, ça existe là-bas) du centre-ville dans un nouveau Sillon. Il l’a testé en bleu quasi Majorelle et l’a ouvert pleinement en vert olive dans une ancienne Mamounia, reconfigurée, résolument moderne dans ses volumes et son atmosphère. Il est devenu papa, deux fois, a pris le temps de construire Sillon de fond en comble. Ça passe par un ratissage méthodique de ce Pays Basque à l’agriculture profuse et enthousiasmante pour qui veut trouver de l’exceptionnel ou, à tout le moins, du raccord avec ses exigences écoresponsables, aux eaux poissonneuses, et à la façon dont il veut restaurer. Le plus simplement du monde, comme à son habitude, simplicité qui dévie dès les premières assiettes vers une technicité en diable – son bihia (semoule fine complète du grain de maïs, tel un boulgour) crémeux où s’égaient des moules, des herbes marines et du citron Meyer pour une mâche texturée ou dans cette diablerie de croque qu’est cette seiche enroulée d’oreille de cochon, poivrons rouges et basilics, dans son jus de seiche corsé ou encore sa lotte à la braise escortée de caviar d’aubergine brûlée, de straciatella basque, de haricots verts, pistaches et pourpier et d’un chawanmushi en ying-yang avec des foies de lotte, anchois et olives – servies par une équipe en salle détendue, et arrosées par le costaud Jean-Christophe Bourgeot. Toutes les cases d’un Créateur Omnivore cochées, un cuisinier « larger than life ». 
Audrey Vacher

Sillon
4 Rue Jean Bart, 64200 Biarritz

 

HONNEUR À…
William Ledeuil

On est toujours intimidé quand il s’agit d’écrire au sujet de William Ledeuil. C’est qu’il s’agit d’être à la hauteur du Monsieur. Sans tomber dans le dithyrambe (qu’il goûte peu, croit-on savoir) ou une autre forme de style improductif. Alors on va simplement dire sans fard l’admiration et le respect qu’on voue au cuisinier inspiré, accompli et complet qu’il est, qu’on regarde et qu’on goûte sans discontinuer depuis une bonne vingtaine d’années. Comme on écoute inlassablement un album de David Bowie, comme on relit un Romain Gary, comme on scrute un tableau de Hopper pour trouver à chaque fois le détail supplémentaire qui nous avait échappé à la précédente contemplation… Après tout, il travaille comme un artiste. Il recherche, il applique une technique, il crée. Inlassablement depuis 2001, quand naît Ze Kitchen Galerie, et au gré de ses voyages, de ses lectures et de ses propres contemplations. Et il s’entoure d’artistes, qu’il suit fidèlement. Accrochés aux murs de ses restaurants (on pense au peintre et jazzman Daniel Humair, « le Gagnaire des batteurs de jazz », dixit un proche qui s’y connaît en Gagnaire et en batteurs virtuoses), nidifiant dans ses cuisines avant de prendre leur envol, soit dans ses propres restaurants, soit ailleurs (on ne compte plus les bébés Ledeuil, à l’instar des bébés Barbot, un autre artiste contemporain), occupés à sortir de terre les produits qui l’inspirent (Michel Bachès, Joël Thiébault et Roland Feuillas, on vous salue)… Et son amour de l’Art se reflète évidemment dans ses assiettes. Que ce soit en couleurs ou en textures, dans ces musées vivants que sont Ze Kitchen Galerie, Ze Kitchen Galerie Bis et Kitchen Ter(re).
AV

Ze Kitchen Galerie
4 Rue des Grands Augustins, 75006 Paris

 

LA RÉVÉLATION
Sébastien Tantot

Il n’y a pas de révélation sans prophète, sans messie. Il n’y pas de prophète sans messager, sans ange, venu annoncer, buisson ardent ou androgyne ailé, les secrets du ciel. Quand on goûte la première bouchée du premier plat du menu mystique de Sébastien Tantot, on tombe en contemplation. Une ligne directe avec un autre monde s’ouvre, entre ombre et lumière, évidente autant qu’hermétique, réfractaire aux compromis, indifférente aux apocryphes. De sa droiture naturelle, cette exigence poussée à l’extrême qui devient presqu’une brûlure par sa volonté d’atteindre au sublime sans jamais en dire le nom, il s’est fait un manteau. Une cape toujours mouvante effaçant les contours de ce qui aurait pu n’être qu’une virtuosité vaine mais se dévoile, assiette après assiette, comme une ode joueuse à tout ce qui nous échappe, à tout ce qui nous fuit, à tout ce qui – hors de notre spectre visuel – s’efface de nos consciences. Ranimer l’invisible, capturer le silence immobile d’un vitrail, en restituer la prière bouleversante et apaisée. Persévérant dans l’être, Sébastien Tantot, le plus spinozien des chefs, a résolu l’équation du Deus Absconditus. À la source de nos vies fragiles et de nos espoirs éternels, il puise le souvenir d’un goût perdu sans cesse retrouvé. Une onde pure. Un baptême. Une épiphanie. 
Peyo Lissarrague

Auberge À la Bonne Idée
3 Rue des Meuniers, 60350 Saint-Jean-aux-Bois

 

L’OUVERTURE
Félix et Nidta Robert, d'Arborescence

Un coup de cœur venu du Nord. Découverts en pleine préparation du premier Omnivore Nord au Touquet en début d’année, suivis pendant les travaux de leur Arborescence, qui a ouvert ses portes en juin et qui depuis, en enthousiasme plus d’un. Nous les premiers, comme on vous le racontait ici même. Dix ans qu’ils affûtaient leur projet, tout en faisant leurs armes à la Grenouillère, chez Troisgros, dans les vignes ou à Tokyo, pendant que grandissait leur histoire d’amour. Dans un ancien château textile en lisière de Lille, à Croix, ils ont trouvé un lieu à la mesure de leurs désirs communs, cette fameuse arborescence qu’ils ont fait pousser, qu’ils ont pris soin de designer, méticuleusement, à l’image de ce qu’ils proposent à manger, avec des ramifications délicates et végétales, leur fibre commune (CQFD leur raviole du dragon). Des gravats et de la poussière de chantier est sorti ce lieu incroyable de luminosité. Où ils veulent raconter un cheminement. Longue vie à eux.
AV

 

Arborescence
76, rue de la Gare, 59170 Croix

 

L’ACCUEIL
Irene Molina

Elle est née en juin, pile au solstice d’été, ce moment de l'année où le Soleil éclaire comme jamais, et en Espagne de surcroît, entre Pyrénées et Rioja, dans une petite commune de la province de Burgos. Ce qui, on se plaît à le croire, décuple la solarité innée d’Irene Molina. Tous ceux qui ont fait halte dans le Chablais, au Moulin de Léré, datant du XVIIe siècle et toujours actif, devenu auberge paysanne à l’atmosphère incomparable, qu’elle dirige depuis 2014 en parfaite symbiose avec son époux, Frédéric Molina, cuisinier les deux pieds bien plantés dans la terre et les chakras bien verts, le confirment.
Elle est de la droite lignée des récipiendaires de ce Prix, appelé jadis Prix de l’Hôte.sse, cette infatigable personne directement en prise avec le mangeur et paradoxalement toujours dans l’ombre du ou de la chef.fe. Pour Irene, ce sera le Prix de l’Accueil. Parce qu’il est bienveillant, souriant, enthousiaste et professionnel, conjugué avec ce petit accent espagnol qui met tout de suite à l’aise et en confiance. Jusqu’au bout du verre. Car la dame de Haute-Savoie maîtrise également le vin, qu’elle accorde si bien, avec l’aide et l’extrême professionnalisme de leur sommelière Victoria Burot, aux incroyables assiettes de Frédéric.
AV

Moulin de Léré
270 Route de Léré, Sous la Côte, 74470 Vailly

 

LE PÂTISSIER
Rémi Bouiller

En matière de sucre, on a toujours penché pour des doux dingues à Omnivore. Le Pâtissier 2022 n’échappe pas au tropisme. Il est tout jeune – 27 ans et toutes ses dents, c’est le benjamin du festival –, il est couvert de tatouages, porte la casquette à l’envers, toujours, écoute de la musique urbaine de son temps (plutôt rap sale que soupe FM, alléluia), surkiffe le street art, se balade en tee-shirt plutôt qu’en veste amidonnée et brodée, a déjà ouvert sa première affaire, Kreme, dans un endroit a priori improbable : à Montrouge, en bordure de la capitale, au sortir d’un arrêt de métro certes, mais à Montrouge tout de même. Et là, contrepied total, c’est un pâtissier on ne peut plus carré qu’on goûte, et regoûte. On l’avait découvert par la grâce d’une dinguerie à la rhubarbe au salon Europain en 2021, on l’a retrouvé en 2022 en croquant dans une tarte framboise jasmin (thé et feuilles), dézinguant une pavlova gourmande à la fraise et aux fruits rouges, et embarquant l’éclair cacahuète dont tout le monde parle, avec raison. Entrepreneur pressé de travailler, il a fait ses armes dans les plus grandes maisons parisiennes, notamment chez le réputé Carl Marletti, son mentor, avant d’ouvrir Kreme, à 23 ans, après près de dix ans dans le métier. Si jeune et déjà tant de convictions : l’éducation de la clientèle, la gestion de l’humain au travail, les colorants (il n’y en a aucun qui circule, même en liberté surveillée, dans son labo avec vue sur la place de la Mairie), la saisonnalité, le sourcing… Tout d’un grand pâtissier moderne.
AV

Kreme
8, place Emile Cresp, 92120 Montrouge

 

LA JEUNESSE
Sarah Chougnet-Strudel

On ne récompense pas la jeunesse, c’est un état qui passe, on le sait tous, mais quand on est jeune on en a moins conscience, à part Florent Ladeyn qui nous dit depuis longtemps que « le temps, c’est un ennemi plus fort que toi, une fois que t’as compris ça… » Tu en fais quelque chose. Ce qu’on a vu à Regain, c’est plus qu’un parcours, et on se demande déjà comment à 28 ans, elle a côtoyé les équipes de Troisgros, Barbot, Pic, Darroze… plutôt de l’autre côté de l’Eurostar. Ce qui frappe aujourd’hui, dans cette petite cour marseillaise, c’est justement ce rapport au temps : à l’écoute de ce qui se passe dès que les trottoirs finissent au bout de la colline, elle envoie chaque jour une proposition joyeusement sourcée et diablement pertinente – les légumes de la ferme urbaine Terre de mars tiennent le haut de l’ardoise, mais sous une rosace de navets, radis et pommes de terre nouvelles se tapit un collier de bœuf longuement mijoté. Elle le fait avec un enthousiasme contagieux. Sauf le week-end, parce qu’il faut que jeunesse se passe et c’est tant mieux. 
Amélie Riberolle

Regain
53 Rue Saint-Pierre, 13005 Marseille

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