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Des champignons hors-sol

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Le circuit court, l’envie de valoriser des terreaux insoupçonnés… Il n’en faut pas plus pour que l'humain fasse pousser un champignon de qualité hors de ses sous-bois naturels. 

Au bout d’un couloir étroit et obscur, nous parviennent de douces odeurs de champignons qui, en ce lieu, paraissent irréels. Pourtant c’est bien là que Coralie Cartoux, de l’association les Jeunes Pousses, cultive des champignons depuis octobre 2020.

En cave étoilée

À la base ? Un projet dans la petite cave d’une épicerie de vrac avignonnaise qui connaît son envol sous l’impulsion de Florent Pietravalle. Locavore convaincu et éternel explorateur, le jeune chef propose à l’équipe une nouvelle cave, celle de La Mirande, table étoilée avignonnaise qu’il dirige.
« Ça faisait longtemps que j’avais l’idée de faire un espace à part de la cuisine. Je pensais faire une salle de fermentation mais quand j’ai découvert ce projet, j’ai tout de suite été séduit. » L’accord est simple : l’association occupe les lieux gratuitement, et réserve en échange ses champignons de Paris en exclusivité au chef. Problème, la production des petits blancs est très compliquée et les solutions locales, rares.

« J'aime le champignon de Paris parce que c’est très simple,
il n’est pas noble, mais il le devient en poussant dans notre cave »

« On pourrait importer du substrat de Pologne mais dans notre démarche, ça n’a pas de sens. Nous on veut tout faire, on ne veut que du substrat urbain, mais pour le champignon de Paris, il faut du fumier composté. Donc on a fait plein de tests et on a fini par contacter des centres équestres de la région. Mais pour l’instant, on n'est pas encore satisfaits », explique Coralie. En attendant, le chef et ses équipes débitent de la pleurote à l’envi ! La cave fait office d’annexe où le chef vient cueillir au gré de ses fulgurances.

Coralie Cartoux et Florent Pietravalle, dans la cave devenue champignonnière du chef de la Mirande à Avignon. 

« Pour nous, c’est génial de pouvoir servir des champignons qui ont été coupés une heure plus tôt à nos clients ! J’imagine même qu’on pourrait installer une table directement dans la champignonnière pour offrir une expérience unique. Et puis j’aime bien créer des boucles, c’est pour ça qu’on fait pousser nos champignons sur une base marc de café et qu’on les associe ensuite avec du café. »

Le marc de café n’est bien entendu pas la seule base qui peut servir de terrain de pousse. Pour faire simple, l’inoculation de mycélium doit être faite sur un substrat pasteurisé. Pour faire plus simple, on stérilise de la paille, du marc de café ou d'autres déchets végétaux afin d’en faire un environnement neutre. Ainsi, le germe inoculé s’épanouit à son aise. Flotte un air de destruction créatrice schumpetérien. Toute la beauté de ce processus, c'est qu'il peut être reproduit dans différents endroits. Un taux d'hygrométrie stable et adapté étant tout de même un prérequis que les milieux souterrains satisfont parfaitement.

Dans des mines d’ocre

Ainsi, une vingtaine de kilomètres plus loin, aux portes du Luberon, c'est une autre expérience qui est menée par Victor Lallement, jeune touche à tout baroudeur de 33 ans, au parcours déjà bien éclectique : études aux États-Unis, Compagnons du Devoir, immobilier, auteur et commercial à l’international pour le Petit Futé et finalement myciculteur. 
« Le projet est né grâce à un pote à moi qui revenait d’un projet de permaculture au Vietnam et qui m’a glissé qu’il y avait un truc sympa à faire avec les champignons. C’est un domaine un peu mystérieux les champignons, ce n’est pas commun comme univers. Ça me bottait bien. » Le passé dans l’immobilier de Victor le mènent à un lieu propice à la pousse de champignons, d’anciennes caves d’ocre. Après l'arrivée des pigments synthétiques, les mines sont désertées. On y cultivera bien des champignons à l’aube du XX° siècle mais la concurrence étrangère met vite un terme à cette seconde jeunesse. Bref, l'endroit parfait. Le décor alentour ne gâchant rien à l’affaire, voisin de la carrière d’ocre de Roussillon, le lieu combine une terre martienne à une végétation faite de conifères verdoyants. Et pourtant… « Quand on a acheté c’était plein de carcasses de voitures, de fourgons, d’estafettes, de caravanes… on a compressé 60 m3 de métal ! »

Victor Lallement dans sa champignonnière d'ocre à Roussillon, dans le Luberon.

Depuis, la champignonnière s’est refait une beauté. Désormais associé à Quentin, Victor fait pousser dans les 500  mètres carrés de galerie exploitées des shitakés, des pleurotes jaunes, roses et gris. Au-delà de la réhabilitation du patrimoine que représentent les galeries où poussent les champignons, le projet est également de valoriser le territoire environnant pour créer un produit de qualité. « On vient d’acheter trois conteneurs réfrigérés, qui vont servir de labo, abriter une zone d’inoculation et une zone de stockage. » Le duo n’en est qu’au début de l’exploitation du potentiel des 4 kilomètres carrés du site.

Dans un parking

L’espace, ça n’est pas ce qui manque à Jean-Noël et Théo, les deux big boss de La Caverne, ancien parking de Paris, reconverti en ferme urbaine. Implanté Porte de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, le projet naît en 2017 à la faveur d’un appel à projet de la mairie, les Parisculteurs. « C’était le seul parking de l’appel à projet. Personne n’en voulait vraiment, ça n’a pas été si difficile de l’avoir. » Les deux trentenaires se rencontrent le jour de la visite du site. « Moi j’avais déjà une structure sociale, de l’expérience dans la réhabilitation de locaux et Théo avait toutes les connaissances en agro et en champignons. »

Jean-Noël Gertz, cofondateur de la ferme urbaine La Caverne, au deuxième sous-sol d'un ancien parking.

Le bailleur leur laisse le site en gestion et, une levée de fonds plus tard, ils posent leurs valises au deuxième sous-sol avant d’occuper l’intégralité du lieu en 2018. Ils y installent leur première production et se servent chez Eurosubstrat, le seul fournisseur bio en France. L’objectif est bien entendu de réduire l’impact carbone au maximum. Cette proximité représente également une vraie plus-value par rapport aux barquettes de supermarché.
« Il existe vraiment deux marchés : celui du champignon et celui du champignon français. » Sur leurs 1 200 mètres carrés de zone de pousse, ils produisent 30 tonnes par an. L’été, ils réduisent la voilure : « Quand les gens ont mangé des champignons et du butternut tout l’hiver, ils ont envie d’autre chose, nous on s’adapte. » Pour ceux qui travaillent avec Biocoop mais aussi le Meurice ou le groupe Bao, la prochaine étape est le champignon de Paris. La Caverne s’offre un lieu consacré à sa culture dans le XIXe qui devrait être opérationnel d’ici septembre. 

Textes et photos Florian Domergue

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