Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Ligurie : une cuisine qui épouse son territoire | Sirha Food

Ligurie : une cuisine qui épouse son territoire

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Voyage culinaire en Ligurie, 3e région mise en lumière par ICE, l’agence du commerce extérieur italien à Paris, et Sirha Omnivore, guidé par Alessandra Pierini, la plus française des Génoises.

Arc de cercle qui unit la France à la Toscane, la Ligurie est un écrin de biodiversité, avec ses falaises crénelées, ses promontoires, ses anses, où la cuisine mélange et profite des saveurs de tous ces paysages.

Entre mer et montagne

Il faut du temps et de la patience pour découvrir la Ligurie, une terre si singulière, qui se donne au compte-goutte. Il faut y être né, il faut l’avoir dans le sang, dans les tripes, dans les narines pour l’aimer d’un amour inconditionnel. Ou alors, être patients et se laisser transporter par cette terre ancienne et introvertie, à son rythme, et elle se révélera terriblement fascinante.

Écrire sur la cuisine ligure, est pour moi un peu comme entreprendre un voyage sentimental, affirmer mes origines à travers un paysage sans compromis : la mer en face et les montagnes derrière. Une terre qui est tout et son contraire, où les contrastes se confondent et où la chaleur des pierres, le parfum du mimosa, l'ombre des oliviers, le sifflement du vent, le mouvement incessant des vagues la font vivre.

Trois cents kilomètres de côte de l'ample estuaire du fleuve Magra, à l’extrême est de la Ligurie, jusqu’à la frontière française où le pittoresque sentiero balcone se prolonge sur les hauteurs de Menton pour devenir le « chemin de la mer ». Une terre dure et avare que les habitants ont appris à exploiter en luttant contre les dénivelés, en creusant des terrasses pour y planter des oliviers et des vignes. Ici, il faut sortir du cliché, du stéréotype de la région balnéaire. On ne se rend pas en Ligurie pour regarder la mer mais on y va pour regarder sa terre, dos à la mer. En fait, on oublie trop souvent que les Ligures, plutôt que des pêcheurs, sont des agriculteurs et des éleveurs.

Gênes

Je suis née à Gênes. C’est la ville principale qui trône en plein milieu de la région où elle est couronnée comme une reine par ses montagnes. Depuis le centre-ville, on peut rejoindre les crêtes pour profiter d'une vue imprenable sur la ville, le port, la Riviera et, avec un peu de chance, par temps bien dégagé, les montagnes de la Corse se dessinent au loin à l’horizon. Comme les perles d'un collier, les villes de la côte sont reliées à la Via Aurelia, qui mène directement à Rome. La Riviera di Ponente, à l’ouest, illuminée par le coucher du soleil, est divisée en Riviera dei Fiori de Vintimille à Cervo et  Riviera delle Palme à partir d’Alassio jusqu’à Gênes. La Riviera di Levante, à l’est, caressée par les reflets de l’aube, abrite les villages pittoresques des Cinque Terre, la dolce vita de Portofino et le romantique Golfo dei Poeti avec les charmants villages de Lerici et Portovenere. 
Gênes a quelque chose d’intense et magnétique, qui oblige à l’observer au travers de ses arcades étroites et ses ruelles ombragées jusqu'à ce qu’on arrive à saisir sa beauté secrète : c’est à ce moment-là, comme par magie, qu’émergent les somptueux palais aristocratiques, les églises majestueuses, les façades parées de couleurs et de fresques. Le point où la ville donne le meilleur d'elle-même est près du port, où de splendides recoins conservent les traces de ses anciennes origines maritimes.

Cucina povera

Dans ce contexte, est née une cuisine qui puise, mêle et profite des saveurs de tous ces paysages. Les herbes sauvages qui poussent spontanément dans la région (marjolaine, sauge, romarin, laurier, thym, serpolet, origan…), les légumes et légumineuses du potager, le sous-bois (champignons, truffes, fruits frais et fruits secs), l'huile d'olive, les préparations à base de farine, les produits de la mer et la volaille.
Surtout une cuisine pauvre, jamais d’opulence ou d'abondance particulière dans les plats, sauf dans de rares cas, mais de la simplicité et des goûts directs dans les recettes. Une cuisine où les tartes salées jouent un rôle important, à consommer même plusieurs jours après leur préparation. La torta Pasqualina en est l’expression incontestable, dont la renommée dépasse les limites de sa région. À l'origine composée de 33 feuilles de pâte pour représenter chaque année de la vie du Christ, c’est une double croûte de pâte croustillante farcie de légumes verts à feuilles, d'artichauts et d'œufs durs, qui trouve son origine au XVIe siècle. 
Quand on cuisine la viande, elle est surtout blanche, comme le coniglio alla ligure, le lapin mijoté avec des herbes sauvages, des pignons et des olives taggiasche. Ou le tuccu, une sauce préparée avec une base de légumes hachés, tomates, vin rouge où le morceau de viande de bœuf mijote entier. En raison de la rareté de la viande rouge, c’était une recette plus riche préparée pendant les festivités. 

Une cuisine verte et végétale

Habitués à consommer des produits locaux issus de leur potager et soucieux de ne pas gaspiller, les Ligures cuisinent des farcis, les ripieni ou verdûe pinn-e. Toujours cuits au four, saupoudrés de chapelure et, selon la tradition, « maigres », donc sans viande, pour un résultat aussi léger que savoureux. On farcit surtout les courgettes, les oignons, les poivrons, les aubergines, les cardons, les artichauts, les tomates, les fleurs de courgettes et les pommes de terre. La farce était le plus souvent composée de la pulpe du légume lui-même, retirée après une légère ébullition, égouttée puis pilée dans le mortier traditionnel avec de l'ail, des œufs durs, des champignons, de la chapelure et des aromates.
Tous les fruits du potager garnissent également les nombreuses frittate (cousines très proches des omelettes à la différence qu’on les retourne dans la poêle pour les cuire des deux côtés), les polpettoni (des pains de viande et/ou légumes) et les ravioli, en particulier ceux qu’on appelle pansoti, ventrus et ronds, qui se préparent de préférence au printemps avec le prebuggiun, un ensemble de 32 herbes sauvages fraîches, assaisonnés avec une sauce aux noix.
Et pour ne pas être en reste de singularité, il faut savoir que les prêtres et les moines en Ligurie se mangent. Et dans certains cas, même les cardinaux. En fait, c'est le nom donné à des rouleaux de chou frisé (previ, frati et cardinali), farcis avec pommes de terre, œufs, pain rassis, lait et fromage et, selon les différentes versions et ce que chaque famille avait à disposition, des blettes, du jambon ou de la mortadelle. Mais ce qui ne manquait jamais, c’était la marjolaine, la quintessence des saveurs. C’est elle, la reine de toutes les farces, la persa, ainsi appelée en génois parce qu'elle venait de Perse, de l'Orient. La Ligurie, terre d'épices, importées par le trafic marchand qui fit la richesse de Gênes, la Superba comme on l’appelait jadis, vendait ses épices (poivre mis à part) à toute l’Europe alors qu'en cuisine elle utilisait des savôi, des herbes aromatiques, qui poussent di badda, naturellement et « gratuitement » (les Ligures ont une réputation légendaire d’être très économes), dans les champs ou même sur les terrasses, dans les boîtes de conserve réutilisées.

Cuisine de rue

Avec de la farine, de l'eau, de la levure, du sel et la merveilleuse huile d'olive, on prépare la focaccia, la compagne inséparable du quotidien des Génois, qui, soit qu’on en mange dans la rue à tout moment de la journée ou qu’on la trempe le matin dans le cappuccino, doit être à peine sortie du four, huileuse à souhait, douce et croquante comme seule la magie des boulangers génois peut réaliser.

Les mêmes ingrédients, mais sans levure, pour fabriquer, la légendaire focaccia di Recco : ici deux très fines couches de pâte qui renferment l'un des rares fromages locaux, la prescinseua, avec une consistance entre le yaourt et la ricotta. Les autres totems de la street food ligure sont la farinata, une délicieuse préparation à base de farine de pois chiches, comme une tarte salée très fine, à manger en marchant en tranches ou enroulée, ou la panissa plus épaisse, coupée en cubes et frite. 

Le pesto, le vrai

Mais il y a une seule recette capable de nous relier instantanément, nous les Génois, à la terre d’où l’on vient : le pesto.  Découvrir le pesto, le vrai, celui préparé avec du basilic génois et un mélange habile et équilibré d’ail, de pignons, d’huile d’olive, de parmesan, de pecorino Fiore sarde et de fleur de sel, est, à lui tout seul une raison suffisante pour faire de la Ligurie une destination de voyage régulière, tandis que pour les locaux, dépasser les frontières régionales et en subir l'abstinence est une torture indicible. C’est une sauce qui se prépare et s'utilise à froid et qui accompagne parfaitement les pâtes (trenette, trofie, corzetti, croxetti, gnocchi, lasagne – appelées à Gênes mandilli de saea, c'est-à-dire les mouchoirs de soie en raison de leur finesse) mais aussi le minestrone genovese.

Une cuisine de la mer malgré tout

Cette région, bien qu'ayant été pendant des siècles une grande puissance maritime au cœur de la Méditerranée, une mer d'anchois et de thons, de seiches, de calmars et de merlus, ses citoyens étaient plus commerçants et navigateurs que pêcheurs dans cette mer furieuse, traversée par les vents et les courants, difficiles à maîtriser. Le poisson en cuisine se présente sous forme de burridda (une soupe de différents poissons mijotés avec des champignons, des câpres, des tomates), de zemin (un fond rissolé de légumes et tomate qui est la base de la soupe de morue ou de seiche mais qui peut également accompagner des pois chiches ou des haricots), brandacujun (une sorte de brandade),  ciuppin (une soupe assez fluide et crémeuse à base de poissons de roche), capponmagro (un plat froid très élaboré à base de produits de la mer et de légumes) à côté des omniprésents stoccafisso et baccalà, la morue séchée et la morue salée, arrivés il y a plus de quatre siècles des pays nordiques. Les anchois, pêchés avec les gozzi (petits bateaux en bois difficiles à couler) quand la mer le permettait, étaient nettoyés et préparés à bord des bateaux pour en faire des conserves sous sel (en génois, les arbanelle). Ils étaient ensuite vendus par les femmes des pêcheurs, qui les amenaient à l'intérieur des terres jusqu'au Piémont.

Frittura de Diego Pani ©MarcoPolo1960

Dans les entrepôts de Sottoripa, les Génois gardaient leur huile précieuse, largement utilisée dans la cuisine à la place du beurre et autres matières grasses comme le saindoux et le lard. La variété d'olives qui a trouvé un climat et un sol favorables depuis le IXe siècle, est la taggiasca, également appelée lavagnina sur la côte autour de la localité de Lavagna. Ces olives, petites, foncées, charnues et savoureuses, en plus d'être transformées en huile, sont conservées en saumure pour être utilisées dans de nombreuses recettes.

Une viticulture héroïque

La difficile terre ligurienne n'est pas très hospitalière envers la vigne qui, accrochée aux falaises en aplomb sur la mer, en raison des difficultés de sa culture, donne encore aujourd'hui peu de vins. Ce sont pour la plupart des blancs frais et faciles à boire, mais non sans originalité. Les bouteilles de grande qualité ne manquent pas, à commencer par le vin de Cinqueterre, notamment dans la version liquoreuse appelée Sciacchetrà : prisé et très apprécié, ce vin est cependant produit en quantité limitée et donc réservé à une niche de passionnés. Le Vermentino dei Colli di Luni, le Vermentino et le Pigato de la Riviera di Ponente et même certains Rossese di Dolceacqua peuvent également atteindre des niveaux expressifs remarquables.

Des gâteaux de voyage

« Si tu ne veux pas mourir de faim, ne pars pas en mer sans les biscuits », dit un ancien dicton. En effet, beaucoup de recettes de gâteaux avaient la vocation d’être bien nourrissantes, de bonne conservation et adaptées aux longs voyages en mer. Cette tradition nous a laissé en héritage le pandolce ou pane del marinaio (pain du marin), un pain sucré garni de fruits confits, raisins secs et pignons ; les biscotti del Lagaccio, une sorte de biscotte légèrement sucrée et friable ; les anicini, des biscuits à tremper à base d’anis. Mais, à mon avis, le gâteau qui représente le plus l’essence de la cuisine de Ligurie, simple, sans fioritures, saine et savoureuse, est la stroscia. Une sorte de galette à base de farine, huile d’olive, vin, écorce de citron, peu sucrée, friable, à la surface rugueuse et à la consistance sablée, qui se découpe à la main en morceaux inégaux.


À Gênes, les cavolini con la panna sont la pâtisserie dominicale par excellence qui ne peut jamais manquer au moment du dessert ou pour les jours de fête, une légère pâte à choux garnie de chantilly. En dialecte on les appelle bertoeli (litt. naïfs). Plus sophistiqués, les chifferi aux amandes ; les canestrelli, en forme de marguerite, fondants et friables saupoudrés de sucre glace ; les baci di Alassio, deux demi-sphères au chocolat et à la noisette, farcies avec une crème au chocolat. 

Alessandra Pierini

L'Italie à l'honneur

En 2023, le festival Sirha Omnivore célèbre ses 20 ans et met l’Italie à l’honneur. Dans ce cadre, Sirha Food et l’ICE-Agence italienne pour le commerce extérieur à Paris s’associent pour promouvoir la pluralité et l’authenticité de la cuisine italienne. Un voyage culinaire au cœur des régions transalpines qui a débuté en janvier à Sirha Lyon, et se poursuivra jusqu'en septembre à Paris, avec l’organisation partout en France de pop up dinners à quatre mains par des chef.fe.s italien.ne.s et français.e.s. Le troisième dîner se déroule à Nantes dans un endroit surprenant, où la cheffe du restaurant Sepia, Lucie Berthier-Gembara, reçoit Diego Pani, chef du restaurant gastronomique familial Marco Polo, à Vintimille.

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