Supper clubs : concept "à la maison"
Par Pomélo
« Il est plus agréable de payer 45 livres sterling pour ce type de dîner que 50 pour une soirée au restaurant dont vous ne garderez aucun souvenir », explique dans l’article l’une des organisatrices de ces repas, installée à Belfast en Irlande du Nord. Ces soirées ne sont pas nécessairement moins coûteuses, mais, comme l’écrit The Guardian, elles offrent « quelque chose qui manque cruellement aux gens : de la connexion, un but, et un répit face à la fatigue numérique ».
Les supper clubs favorisent les échanges : une grande tablée commune, un même menu, un cadre plus intime qu’un restaurant et l’impression de vivre un moment collectif atypique poussent les convives à se parler plus facilement. On y découvre souvent des cuisines inédites, parfois introuvables dans les restaurants, car la gastronomie familiale ne franchit pas toujours les portes des établissements classiques. Le cuisinier amateur y élargit son cercle de goûteurs, tandis que le chef confirmé peut tester ses plats avant d’ouvrir son propre lieu.
Ainsi en va du parcours de l’Indienne Asma Khan, basée à Londres. En 2012, alors qu’elle termine son doctorat en droit constitutionnel, elle organise chez elle un supper club pour douze personnes. Le succès est tel qu’un pub l’accueille ensuite en résidence. Native de Calcutta, elle dirige aujourd’hui son restaurant, Darjeeling Express, et a même eu droit à un documentaire sur Netflix. Devenue une figure de la scène gastronomique britannique, elle illustre ce tremplin qu’ont aussi connu d’autres noms, comme The Clove Club ou Imad’s Syrian Kitchen.
Le concept est loin d’être nouveau à Londres, puisqu’il s’y est popularisé au début des années 2000, à l’époque de l’émission Come Dine With Me (adaptée en France sous le titre Un dîner presque parfait, diffusée sur M6 de 2008 à 2014). Mais son utilisation récente par des professionnels répond à un contexte plus difficile : flambée des prix de l’immobilier et obstacles à l’obtention de prêts bancaires. Le site londonpopups.com recense ainsi les initiatives de ce type.
En France, le phénomène reste marginal, mais des formats similaires émergent. Sur Airbnb, par exemple, à travers les « expériences » proposées dans le monde entier, ou via des applications comme Strangrs ou Timeleft, qui rassemblent des inconnus d’une même ville pour partager un repas dans un restaurant tenu secret jusqu’à la dernière minute. Lancée fin 2019, Timeleft revendique déjà 200 000 utilisateurs en Europe.
À Marseille, la cheffe romaine Erika Blu a pris le meilleur des deux mondes : son Atelier Renata est un véritable restaurant, ouvert à l’année trois soirs par semaine, mais le décor est l’ancien appartement d’un antiquaire, avec des fourneaux situés à quelques pas de la grande table commune. Les heureux élus, une quinzaine au total, se délestent de 60 euros par tête (hors boissons) pour déguster le menu unique, la cucina povera. Une table d’hôtes avec les avantages du restaurant.

(c) Atelier Renata