À Paris, les cheffes pâtissières se font leur palace au soleil
Par Pomélo
Portait (c) Natalia Khororshayeva
Pendant longtemps, les chefs pâtissiers faisaient la pluie et le beau temps dans les plus grands hôtels de la capitale. L’Alsacien Christophe Felder fut l’un des premiers artisans médiatisés dans les années 1990, avant que Christophe Michalak ne s’impose au Plaza Athénée avec ses créations rouges en hommage à la maison. Plus récemment, Cédric Grolet déplace les foules, à l’heure du thé comme dans la boutique imaginée avec le Meurice où il s’est fait un nom. Désormais, une bonne partie des palaces ont leur « shop », du Ritz au Bristol : une manière plus accessible de faire découvrir leur travail, à des tarifs moins écrasants qu’à table. Il n’y a pourtant pas que des hommes. Nina Métayer faisait parler d’elle à l’hôtel Raphaël dès 2014. Puis la presse a braqué les projecteurs sur Jessica Préalpato, en charge du sucré au sein de l’ex-restaurant trois étoiles Michelin d’Alain Ducasse au Plaza Athénée. Toutes deux ont été sacrées « World’s Best Pastry Chef » par The World’s 50 Best Restaurants. Après elles, une nouvelle génération de cheffes pâtissières déploie son savoir-faire dans les plus grands hôtels parisiens depuis l’après-Covid. Portraits.
Coline Doussin, cheffe pâtissière du Saint-James
Elle avait promis de suivre le chef Grégory Garimbay quoi qu’il arrive. Promesse tenue, malgré une proposition alléchante d’un certain… Alain Ducasse. Depuis 2024, elle officie au Saint-James, Relais & Châteaux en plein cœur de Paris, dont la table Bellefeuille est étoilée au guide Michelin. Coline Doussin a notamment imaginé un dessert autour d’un chocolat fumé aux aiguilles de pin : aiguilles en chocolat, fromage blanc infusé d’aiguilles vertes, praliné de pignons et crumble pignons-cacao. À peine 25 ans et déjà un parcours remarquable : le baccalauréat en poche, cette excellente élève a préféré Ferrandi à une voie plus classique, avant des passages au Park Hyatt Paris-Vendôme, chez Anne-Sophie Pic, Stéphanie Le Quellec et Sylvestre Wahid. Dans la newsletter Pomélo, elle résumait son style : « Une pâtisserie franche qui ne s’éparpille pas ».
Anne Coruble, cheffe pâtissière du Peninsula Paris (portrait en tête de l'article)
Médecine ou pâtisserie ? Anne Coruble a longtemps hésité avant de finalement opter pour la seconde option, elle qui aimait déjà faire des gâteaux le week-end en Normandie, marquée par la tarte tatin de sa mère. Fin 2023, elle reçoit le prix de Meilleure cheffe pâtissière 2024 de La Liste pour son travail au Peninsula Paris, où elle évolue depuis 2022. Des desserts « osés », écrit Le Monde : elle qui cherche à « montrer qu’il peut y avoir une continuité entre un plat et un dessert », et s’impose de ne « jamais refaire » ce qu’elle a déjà fait. Sa création baptisée « grain de café grillé » marie avec un brio remarquable le café, l’huile d’argan, la muscade et le sorbet de datte. Ailleurs, elle parvient même à associer chocolat, câpre et cornichon !

(c) Laurent Fau
Naraé Kim, cheffe pâtissière du Park Hyatt Paris-Vendôme
Raviolis de riz glacés à la mangue et au fruit de la passion, figues noires de Bordeaux en kadaïf, duo poire Williams & nashi (poire japonaise) au naturel… Voilà quelques desserts de la Coréenne Naraé Kim, passée par le Vietnam et les États-Unis (ainsi qu’auprès de Yannick Alléno, à Paris et Courchevel) avant de devenir, en 2021, cheffe pâtissière du célèbre hôtel parisien. Saisons, Asie et naturalité : ainsi pourrait-on résumer sa vision créative, distinguée par le Gault & Millau en 2024 avec le titre de Pâtissière de l’Année, avant de devenir jury, en 2025, pour la Grande Finale de la Coupe du Monde de la Pâtisserie.

(c) Park Hyatt Paris-Vendôme
Élisabeth Hot, cheffe pâtissière du Plaza Athénée
Villa René Lalique, Royal Monceau, Pierre Hermé… Élisabeth Hot a aligné les maisons prestigieuses avant de prendre, en 2021, la tête de la brigade sucrée du Plaza Athénée (30 personnes), aux côtés d’Angelo Musa (Meilleur Ouvrier de France et Champion du Monde de la Pâtisserie en 2003). Dans l’émission 66 minutes (M6) en 2022, on apprenait qu’une île flottante revisitée avait séduit sa hiérarchie : dessert minute présenté dans un plat arrondi en cuivre, crème anglaise cachée sous des blancs aériens, traits de caramel pochés et fruits secs caramélisés. Les études de droit sont loin derrière elle, pour celle qui a décidé d’abandonner une carrière juridique pour la pâtisserie à l’âge de 24 ans.
Hélène Kerloeguen, cheffe pâtissière du Prince de Galles
Au 19.20, le bistrot moderne du Prince de Galles, on ne voit que lui : le chariot de desserts en demi-lune, tout de verre et de bois sombre, aligne baba au cognac et myrtilles coiffé d’une chantilly princière, millefeuille « au mètre » escorté d’une saucière en argent. Ces bijoux sucrés portent la signature d’Hélène Kerloeguen, à la tête de la brigade sucrée depuis 2022. Le luxe, elle connaît par cœur, de Paris à la Côte d’Azur : Grand-Hôtel du Cap-Ferrat, Le Bristol, Plaza Athénée, Hôtel du Cap-Eden-Roc. Les initiés savent que l’« afternoon tea » du Prince de Galles, servi du vendredi au dimanche, vaut le détour : tartelettes (mandarine-estragon ; chocolat-noisette-cardamome verte), flan marron–fruit de la passion, brioche feuilletée aux fruits confits… Un poème pour le quatre-heures.

(c) Arnaud Houitte