Beli, la notation de restos sur smartphone : bonne app’ ou fausse bonne idée ?
Par Pomélo
Née à New York, Beli est devenue rapidement l’application mobile dont tout le monde parle : elle compte aujourd’hui plus de 75 millions d’avis sur des restaurants, bars, boulangeries, cafés…
Judy Thelen et Eliot Frost se rencontrent lorsqu’ils travaillent au sein de l’entreprise de conseil McKinsey & Company en 2015. Dingue de restaurants, le couple arpente New York, documentant ses adresses préférées sur Google Maps, Instagram et dans l’application de notes de leur téléphone, mais constate qu’il n’y a pas « d’endroit central où tout le monde conservait ces listes ensemble », comme il l’expliquait en septembre au New York Times. D’où leur idée de créer un outil dédié en 2021, sur lequel ils ont bûché pendant près de de deux ans au cours de leur cursus à la Harvard Business School. Ce n’est pas la première fois qu’un projet de ce genre se lance, y compris dans l’Hexagone où l’application Gourmets Club n’a pas fait long feu. Mais ce qui marche cette fois, c’est le côté vraiment ludique de la chose, qui reprend… les codes d’une application de rencontre.
Dès l’inscription, il faut noter dix adresses déjà visitées. Enfin, il faut plutôt dire si on aime l’endroit ou pas, puis comparer les autres lieux à cette adresse de départ (« Which do you prefer », demande l’outil, anglophone) et l’algorithme de Beli attribue automatiquement une note sur 10. À chaque nouvel ajout de lieu, il faudra faire de même, avec cette fois la note qui apparaît pour le lieu « d’en face » (il existe également une note du lieu par ses amis ainsi qu’une note générale). On peut préciser avec qui on y est allé et quels ont été les plats préférés dégustés, « labeliser » un lieu (adresse super pour… un goûter, son atmosphère, un anniversaire, un moment entre collègues, etc.), ajouter des notes, des photos, une date de visite… Et, comme sur un réseau social classique, on peut suivre l’activité des membres de son réseau, qui, eux-mêmes, notent des bistrots, des bars, des boulangeries, etc.
Mais ce n’est pas tout : là où Beli est très fort — et « gamifie » l’expérience —, c’est avec ces petites choses présentes sur le profil de l’utilisateur. On peut y lire publiquement le nombre d’endroits où l’on est allé (le record est de 8 000 !), ceux qu’on a envie de tester, ainsi que des recommandations personnalisées. Deux autres forces de Beli qui participent à la fidélisation de l’utilisateur, la Gen Z en particulier : le rang de l’utilisateur sur l’application, ainsi que le nombre de semaines consécutives pendant lesquelles il a testé un nouveau lieu. On peut même se servir de l’’application comme un agenda et réserver, puisque Beli s’est associé l’an dernier à OpenTable, le « The Fork » américain. L’entreprise affirme qu’environ 80 % des utilisateurs ont moins de 35 ans, alors que le concurrent Yelp ne compterait qu’un quart de sa base âgée de 18 à 34 ans. Populaire, à ses débuts, dans la Grosse Pomme, Beli réunirait désormais plus de 10 % de sa communauté en dehors des États-Unis. Le New York Times note que l’outil est devenu « un refuge pour les clients qui ont perdu confiance dans les systèmes d’avis étoilés des autres plateformes ». Pas de plainte ici concernant une salle trop bruyante ou la difficulté de réserver une table : « Beli est une application d’avis culinaires pour les amateurs de restaurants », souligne un New Yorkais témoignant dans l’article.
Le site today.com titrait en juillet « Comment Beli transforme les repas au restaurant en un sport de compétition », ajoutant que la plateforme visait non seulement à répondre à la question « Où devrais-je manger ? » mais aussi à la question « Où mangent les autres ? ». Le « Strava » des restaurants, pointait un autre média, que les nouveaux arrivants de l’université de New York sont priés de télécharger lors de la séance d’orientation. Ce n’est pas encore un phénomène de société mais des signes commencent à être visibles, comme ces profils sur les applis de rencontre qui indiquent dans leur biographie « Je craquerai si vous avez classé plus d’établissements sur Beli que moi ». Et, comme souvent pour les idées qui marchent, Beli doit déjà faire face aux critiques. Sur le magazine en ligne culinaire Taste, certains pointent du doigt le fait que l’outil s’adresse à une population disposant de revenus importants pour goûter de nouvelles adresses chaque semaine. D’autres n’apprécient pas forcément la comparaison forcée entre des lieux radicalement différents. « Comment comparer le stand de tacos au bord de la route que j'adore avec un restaurant trois étoiles au Guide Michelin ? », se demande une utilisatrice.