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Snacking : quand les pâtissiers se (re)mettent en sel

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Par Rémi Héluin

(c) Cédric Grolet

Pour renforcer leur ancrage dans les habitudes des consommateurs, les pâtissiers bousculent leurs codes et n’hésitent plus à questionner les frontières de leur univers. Leurs relations avec les cuisiniers leur ont transmis la culture de l’assaisonnement et des équilibres… qu’ils retranscrivent désormais en version nomade.

Petit rappel historique : la pâtisserie n’a pas toujours été sucrée. Cette discipline doit son nom au travail de la pâte, longtemps utilisée pour recouvrir et envelopper des préparations salées. Ainsi, le professionnel pouvait travailler toutes sortes de tourtes et pâtés, avec des supports plus ou moins élaborés. Nos experts contemporains du sucré pourraient bien être en train de réaliser un retour aux sources… lié à la nécessité de moderniser leur métier. En marge des boulangers-pâtissiers, qui ont été les premiers à s’ouvrir à la restauration au travers des sandwiches -désormais rejoints par des propositions telles que les salades, plats chauds et autres mets variés-, les « pâtissiers purs », qui ne proposaient historiquement que des gâteaux, chocolats, confiseries et glaces, évoluent sous la contrainte d’un environnement concurrentiel toujours plus riche et de charges pesantes. La nécessité de se différencier touche également des acteurs en vue. Dès la création de sa boutique Avenue de l’Opéra, en plein cœur de Paris, Cédric Grolet a intégré une offre salée grâce à du pain fait maison. Cette gamme a été mise en lumière fin 2024, au travers d’une polémique portant sur le prix d’un des sandwiches proposés par le créateur, nommé « Meilleur Chef pâtissier du Monde » par le classement britannique 50 Best en 2018. 30 euros : c’était la somme demandée pour une composition associant une baguette à la farine de châtaigne, de la truffe noire du Périgord, du comté, du jambon de Paris en chiffonnade, des cornichons et du beurre. Nombreux ont été les internautes à s’interroger vis à vis de la pertinence d’un tel positionnement tarifaire… tout en permettant de rappeler au grand public que le chef disposait d’une offre salée.

La viennoiserie et le café, deux leviers pour inviter le salé au cœur du sucré

Au-delà des sandwiches, qui nécessitent un lourd équipement pour fabriquer le pain ou de recourir à un partenaire extérieur afin de s’approvisionner, la viennoiserie devient un terrain de jeu idéal pour imaginer le snacking pâtissier. Chez Yann Couvreur, le hot dog est revisité sous le nom de « hot fox », référence directe au renard omniprésent dans l’univers du chef. L’écrin brioché est remplacé par un support feuilleté, apportant de nouvelles textures et une dose supplémentaire de gourmandise au produit. Même approche au sein du Ritz Paris le Comptoir, dont les propositions salées partagent une fine base de pain feuilleté. Le développement de ces recettes n’est que la première étape vers une évolution plus profonde de la pâtisserie. Pour multiplier les instants de consommation, les boutiques sucrées muent progressivement vers des identités métissées, inspirées des coffee shops. C’est sous cette appellation que Christophe Michalak, connu pour ses créations extravagantes au Plaza Athénée puis au travers de sa propre marque, a inauguré en septembre dernier son point de vente au sein du Printemps Haussmann (Paris, 9ème arrondissement). Les boissons chaudes ne sont pas les seules à intégrer l’attelage imaginé par le chef pâtissier : pizzas, croque fromage, sandwiches, quiches et spécialités feuilletées sont au rendez-vous, avec comme parti-pris assumé de ne proposer que des recettes végétariennes, en accord avec les convictions de l’entrepreneur.

L’offre salée 100% végétarienne de Christophe Michalak au sein de son Café du Printemps Haussmann
(c) Christophe Michalak

De nouveaux équilibres au détriment de la « haute pâtisserie »

La gamme de pâtisseries raffinées, toujours présente, doit ainsi trouver sa place dans un environnement toujours plus diversifié… au risque de voir sa visibilité et son attractivité en prendre un coup. Pour éviter cet écueil, Sébastien Bouillet a réalisé des choix plus radicaux dans son Café Bouillet, ouvert à l’été 2023 à deux pas de la boutique historique de la maison, au sein du quartier lyonnais de la Croix-Rousse. Ici, le salé est devenu majeur, accompagné d’une offre de viennoiseries et de pâtisseries boulangères, issus de l’univers créé dans les boutiques Goûter. Un positionnement pragmatique et adapté aux envies de l’époque, où les propositions accessibles et faciles à déguster s’imposent. Yann Couvreur a adopté un positionnement similaire avec son concept YC Café, déployé au sein du centre commercial CNIT (La Défense, Hauts-de-Seine), avec l’ambition d’ouvrir ainsi l’entreprise à des emplacements de flux (gares, aéroports, …) où les pâtissiers traditionnels étaient peu présents. Il restera à ces capitaines sucrés, parfois sacrés, de trouver un cap durable afin que ces grains de sels ne viennent pas bloquer des engrenages construits à grand renfort de savoir-faire.