Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility David Burgarella, Aubrac to the future | Sirha Food

David Burgarella, Aubrac to the future

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À une demi-heure de Rodez, sur les chemins de Compostelle, Espali

Là-bas au fond c’est l’Aubrac qu’on voit se dessiner sous le drap gris et blanc des nuages. Du balcon de l’hôtel Égide – cinq chambres ouvertes fin mars 2025 juste à côté des deux gites déjà rénovés pas ses soins – David Burgarella pointe l’horizon et n’en finit pas de dire son amour de cette terre rude et sauvage, de sa nature qu’il place au cœur de ses assiettes et de ses rivières où il va plonger ses cannes dès que l’occasion se présente. Sur la place principale d’Espalion, entre la silhouette perchée du château de Calmont d’Olt et les rives du Lot, le nom du chef, accolé à un restaurant et à une brasserie, est une référence culinaire depuis plus d’une décennie. David Burgarella a pourtant décidé de repartir à zéro et d’ouvrir dans quelques mois une adresse plus confidentielle, sur le toit de son hôtel, avec vue imprenable sur les montagnes.

 

Sources vives

« J’ai commencé ici il y 22 ans, en partant de rien. Il y a dix ans nous avons ouvert la table gastronomique avec Katy, ma femme, qui a abandonné sa carrière de comptable pour rejoindre l’aventure. Aujourd’hui nous faisons 110 couverts à la brasserie, dans un village de 4 500 habitants, et nous continuons de proposer une cuisine créative, profondément ancrée dans le terroir aveyronnais. Nous sommes sur la route de Compostelle, et dans une région riche en talents culinaires, mais nous restons cependant isolés des regards médiatiques. À 50 ans, mon ambition est désormais de me recentrer sur l’essentiel, d’aller vers encore plus de simplicité et de dépouillement, et de continuer à évoluer dans ma cuisine. Le nouveau restaurant me permettra d’approfondir mon exploration des saveurs de l’Aubrac, et d’en transmettre encore mieux les contrastes ».

Au lac de Saint Andéol, près du pont de Marchastel ou vers la cascade de Déroc, David Burgarella pêche la truite, le sandre ou le goujon, qu’il met ensuite à son menu. Aux branches des sapins, il cueille des bourgeons pour en faire des pickles. Dans les fourrés, ce sont les mûres qu’il récolte pour les travailler elles-aussi dans ses plats. La viande qui mature – sans excès – dans son garde-manger vient bien évidemment des plateaux de l’Aubrac et lorsqu’il sert l’incontournable Farçou – la galette de blettes et de persil typique de l’Aveyron – il la transforme en une ode à ces pérégrinations en altitude. Une salade d’herbes, un sorbet au persil, une crème de blettes, les bourgeons de sapin et les mûres à l’aigre-doux viennent embrasser le palet tout juste poêlé, le tout posé sur une lauze anthracite.

 

(c) Romain Guittet

Paris aller-retour

Le clin d’œil au charbon n’a rien d’anodin. David Burgarella assume la référence aux bougnats, émigrés en masse des contreforts du Massif central, qui ont bâti la trame de la restauration parisienne. « Mes grands-parents avaient un café-charbon, j’ai moi-même grandi dans l’est de la capitale et j’aime jouer avec cet héritage dans mes plats, que ce soit dans la mise en scène ou dans la composition, par exemple en travaillant des œufs de caille au charbon végétal… Mes racines sont à Nasbinals, à quelques kilomètres au nord d’ici, en Lozère. J’y suis revenu à 17 ans, après le décès de ma mère, et je n’ai plus quitté l’Aubrac. C’est mon identité, celle de ma cuisine ; c’est la vibration que je veux transmettre à nos convives, avec maîtrise et technique mais sans faux-semblants, sans artifices ».

Son CAP de cuisine et son BTS hôtellerie en poche, David Burgarella a frotté son tablier à tous les pans de la restauration, des grandes maisons à la plus simple des brasseries, pendant près de 30 ans. Une expérience du terrain qui lui a permis de toujours garder les pieds sur terre, et de connaître la valeur inestimable d’une équipe solide. « Il faut savoir s’entourer, et pouvoir compter sur des gens professionnels mais surtout motivés. Cela devient de plus en plus difficile à trouver… J’ai la chance d’avoir un second formidable, Romain Bollow, formé dans les établissements de monsieur Bocuse, et un chef de partie tout aussi formidable, Ibrahim Halifa. Mais c’est avant tout l’association avec Katy qui constitue la charpente de notre projet. Jour après jour, nous nous battons côte à côte pour faire vivre notre rêve ».

 

Seconde jeunesse

Conseillerait-il à sa fille Romane, qui dormait bébé pendant les services dans la tour de la brasserie qui porte son nom, de reprendre le flambeau dans quelques années ? « Je lui dirais de faire 30 couverts, pas plus. De vivre, de ménager l’aspect privé et personnel. De façon générale, les choses sont devenues très dures pour les jeunes, il y a un manque cruel de soutien et de visibilité dans notre région, comme dans beaucoup d’autres. J’ai parfois le sentiment que nous sommes délaissés, par les guides autant que par les médias. Sorti des grandes villes ou de leur périphérie, il est difficile d’exister. Et pourtant, en zone rurale, nous avons encore plus besoin de ces coups de projecteurs pour attirer les clients dans nos établissements ».

Loin de sombrer dans l’amertume, David Burgarella préfère regarder vers l’avenir et embrasser le changement. En laissant de côté l’ambition d’une étoile fuyante et en réinventant sa cuisine. Penché sur ses fourneaux, alors qu’il prépare son sublime aligot à l’ancienne, étirant la tome et les pommes de terre comme une trame prête à être tisser, il évoque à nouveau son attachement à l’Aubrac et sa volonté profonde d’en mettre en lumière la beauté rugueuse. « Sur le plateau, le long des chemins de transhumance et de pâturage, on trouve des burons. Ce sont des constructions traditionnelles en pierre recouvertes de lauzes qui abritaient les bergers. Un grand nombre se sont transformées en auberges. On y sert des mets simples, de la charcuterie, du fromage. C’est cette pureté que je veux reproduire dans mes assiettes, celle des produits mais aussi celle des sensations, de la nature. Emmener mes convives sur les sentiers de l’Aubrac et leur en faire ressentir toute la puissance tellurique ».