Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility « La cuisine estonienne est pure » | Sirha Food
Kaido Metsa :

« La cuisine estonienne est pure »

Le 16 juillet 2020

Dans son établissement aux allures de laboratoire, Juur, KAIDO METSA expérimente, innove, sacre le produit avec la plus grande des sincérités. Et si nous parlions cuisine estonienne avec le chef ?

Dans son établissement aux allures de laboratoire, Juur, KAIDO METSA expérimente, innove, sacre le produit avec la plus grande des sincérités. Et si nous parlions cuisine estonienne avec le chef ?

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Quelles sont vos attentes, espoirs lors des Bocuse d’Or Europe cette année chez vous, à Tallinn ? Comment définiriez-vous la cuisine estonienne en trois concepts forts ?

Que l’Estonie l’emporte ! Artur (Kazaritski), qui représente le pays, est tellement compétent. J’ai vraiment de grandes attentes, car il est excellent. C’est une chance de pouvoir représenter notre nation et sa cuisine locale, je pense que c’est un grand honneur de la promouvoir. La cuisine estonienne est pure, très connectée à son héritage et naturelle. 

Certains pays méritent-ils plus de lumière sur leur gastronomie ?

C’est important pour des petits pays d’avoir cette opportunité. Nous sommes un petit pays, ces événements demandent beaucoup d’efforts et de préparation. Nous sommes très fiers de notre cuisine, que nous développons énormément. Nous sommes honorés de la mettre en valeur.

À quel moment avez-vous décidé de devenir cuisinier ?

Je n’avais que deux options, devenir militaire ou cuisinier. Plus jeune, je passais beaucoup de temps à la campagne, je marchais beaucoup avec ma mère qui m’a énormément inspiré. Par la suite, j’ai suivi quelques cours disons, artistiques, et à un moment c’était très logique pour moi de devenir cuisinier en développant ces sensibilités.

Votre restaurant a été célébré et récompensé pour son audace, ses innovations dans le produit et les recettes. Quelle était la motivation en créant votre établissement ? Quel est votre processus d’inspiration ?

Être soi-même, être honnête dans notre cuisine, certainement pas de cuisiner pour recevoir des prix. C’est plaisant d’être récompensé mais cela n’a jamais été un but. Nous essayons de garder la tête froide et de rester naturels et concentrés dans notre cuisine, la modestie est importante. La plupart des idées viennent souvent d’elles-mêmes, mais l’inspiration peut être stimulée lorsque je me confronte à la nature, une très longue marche est souvent efficace. Lorsque vous cuisinez tout le temps, vous avez énormément de fulgurances, de points qui finalement se connectent et deviennent parfois de bonnes idées. Ce qui compte c’est de rester dans ce processus, c’est comme construire un édifice sans fin, on y apporte une brique chaque jour.

Votre rapport à la nature est très intense, organique, pourquoi ? 

En observant comment la flore et la nature fonctionnent, comment les choses poussent, comment les saisons évoluent, vous développez une compréhension de ce qui vous entoure. Quand vous cuisinez entre quatre murs 24h sur 24h, vous ne voyez rien du monde, et on se perd. Il faut sortir, voir, absorber ce que la nature vous donne car elle vous ramène sur terre. 

La discussion autour de l’écoresponsabilité se précise pour les chefs. Quelle est votre sensibilité sur le sujet ?

Dans mon restaurant, Juur, la principale préoccupation était d’utiliser le produit dans son intégralité. Par exemple, nous faisons pousser certains de nos produits dans notre cuisine, une manière de montrer à l’équipe l’effort et le temps que prend un légume pour grandir. Nous observons, connaissons le temps de cette pousse, nous voulons utiliser la totalité du produit. Si nous utilisons tel type de carotte, nous ne jetons jamais la peau. Nous la nettoyons entièrement pour en faire un bouillon, par exemple. Nous nous efforçons d’utiliser le produit de A à Z. C’est naturel de devoir être responsable pour nous mais il faut garder l’œil sur ce qui doit être contrôlé, les déchets notamment.

Comment interprétez-vous le regain d’intérêt pour la cuisine nordique sur la scène mondiale ?

Cuisiner d’une manière nordique n’a rien de nouveau, c’est plutôt quelque chose qui a été oublié à un moment. Pourquoi est-elle devenue populaire ? Certainement parce que nous avons pris conscience de ce qui est bon pour nous et avons maintenu des principes de cuisine. Le sujet de la cuisine nordique évoque les produits locaux, naturels, des vertus nutritionnelles, des traditions anciennes. Autrefois tout était très strict, très contrôlé, nous recevions des instructions du Parti Communiste à Moscou pour certifier tout ce que nous faisions. Je pense que le vent de liberté apporté par l’Ouest était nouveau pour nous donc quand les années 90 sont arrivées, tout le monde est devenu presque obsédé par la cuisine italienne par exemple, les pizzas... Nous nous étions un peu éloignés de nos racines naturelles, nous nous sommes retrouvés.

Propos recueillis par Hannah Benayoun

(Entretien réalisé le 28 février 2020)