Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Le nouveau défi du snacking, des recettes à tord ou à saison | Sirha Food

Le nouveau défi du snacking, des recettes à tord ou à saison

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Par Rémi Héluin

Être le lieu de restauration rapide préféré des Français confère un grand pouvoir… et implique de grandes responsabilités. La boulangerie occupe désormais cette place privilégiée grâce à ses prix accessibles et à la diversité de ses produits. Au-delà des aspects économiques et gustatifs, elle doit désormais parvenir à améliorer son impact en misant sur des recettes plus responsables… sans jamais renoncer au plaisir ni à son caractère populaire. Un défi au long cours qui peine à pénétrer les fournils.

Les obligations de transparence sur l’origine des matières premières, pesant sur les boulangers autant que sur les restaurateurs, ne cessent de se développer. Depuis le 7 mars 2024, l'origine des viandes utilisées en tant qu'ingrédient dans des produits transformés doit être affichée. Concrètement, l’étiquette d’un sandwich incorporant du jambon ou du poulet cuit ne doit plus seulement intégrer un nom, une composition ou un prix, mais également un pays. Cette réglementation demeure peu respectée par les artisans, malgré un risque réel de sanction. Pourtant, elle permet aux professionnels et aux consommateurs de réaliser des choix plus éclairés. Pour répondre au développement de la demande en produit salés, les artisans boulangers ont développé leur offre snacking… sans nécessairement investir, ni embaucher de cuisiniers. Le recours aux produits transformés s’est ainsi multiplié.

Maîtriser ses achats et mieux sourcer les produits, deux logiques parfois opposées

Plus récemment, l’inflation a poussé les chefs d’entreprise à augmenter leur vigilance sur le sujet des achats… les poussant, dans certains cas, à descendre en gamme et à se tourner vers des ingrédients aux provenances exotiques. Ce choix, aux effets potentiellement délétères sur la qualité gustative des produits, s’explique par la difficulté d’augmenter les tarifs au sein des points de vente : peut-on imaginer un sandwich jambon-beurre au-dessus de 6€ , alors même que son tarif moyen avoisine les 4,50€ ?

Toujours au rayon sandwiches, nombreuses sont les références intégrant des crudités… et notamment des tomates, dont le caractère saisonnier devrait inciter les artisans à organiser un renouvellement régulier de la carte. Les clients continuent de consommer ces produits toute l’année, alors même qu’ils étaient 80% d’entre eux à réclamer de leurs boulangers des produits locaux, selon une étude réalisée par Food Service Vision en 2022. A Lyon (Rhône), la Maison Deschamps a adopté cette démarche dès sa création, avec des tarifs en conséquence. « La transparence, autant sur les produits que sur leur transformation, est dans l’ADN de l’entreprise. Nous sommes souvent perçus comme une boulangerie premium, ce qui ne nous laisse pas le droit à l’erreur : nos prix impliquent d’offrir une prestation de qualité », témoigne Ludovic Olivier-Cambianica, fondateur de l’entreprise. Entre le jambon artisanal de la Maison Baraban, les œufs d’une exploitation indépendante des Monts du Lyonnais ou encore une carte renouvelée à chaque saison, la structure a prouvé que l’on pouvait concilier éthique et snacking boulanger.

Chez Maison Deschamps, à Lyon, les recettes intégrant de la tomate quittent la carte une fois l’été passé
(c) Maison Deschamps

 Adopter une logique de filière pour accélérer le changement

L’entreprise lyonnaise n’est pas la seule à entretenir cette conviction. Le boulanger Pascal Rigo, célèbre pour sa réussite outre-Atlantique, entend pousser les artisans français à adopter cette logique responsable sur l’ensemble de leurs approvisionnements. A l’occasion du Sirha Lyon 2025, en janvier dernier, il présentait un partenariat noué entre le Fonds de Dotation de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française (CNBPF), Bleu-Blanc-Cœur et Transgourmet. L’objectif : rendre accessible des produits vertueux au plus grand nombre. « La boulangerie sert chaque jour 14 millions de personnes et pourrait avoir un impact positif sur l’ensemble de la chaine de valeur. Si dans 5 ans, l’ensemble des ingrédients utilisés par les boulangers sont vertueux, la santé de près de 40 millions de Français pourrait être préservée », s’enthousiasme l’entrepreneur. En associant l’amont agricole, au travers de Bleu-Blanc-Cœur, et un partenaire distributeur tel que Transgourmet, les contraintes d’approvisionnement pour les boulangers s’effacent progressivement. « Notre volonté est de valoriser les producteurs dans leur territoire, avec un assortiment local dans chaque entrepôt, et de rechercher constamment des initiatives agricoles vertueuses », complétait Yves Cebron de Lisle, directeur commercial de Transgourmet France. En donnant de la visibilité à ces filières, les volumes de consommation se développent : la massification permet alors de diluer les coûts et de rendre les produits plus accessibles. Une approche adoptée avec succès par Bleu-Blanc-Cœur, dont les références (lait, beurre, viandes…) présentent un surcoût maximal de 5% vis à vis des produits conventionnels. La révolution du snacking boulanger, avec une approche locale et engagée, pourrait donc être pour demain… à condition de faire monter à bord plus d’artisans.