L’huile piquante est morte, vive le miel pimenté ?
Par Pomélo
Très populaire en France – au grand dam des Italiens –, l’huile piquante commence à se voir concurrencer par un topping sucré-salé made in USA, délicieusement compatible avec la pizza mais pas que : le miel pimenté.
Les Américains en sont déjà fous. C’est que l’histoire du miel pimenté ne date pas d’hier et doit beaucoup à un New Yorkais d’adoption, originaire du Massachusetts. Mike Kurtz, 43 ans, n’en a que 22 ans lorsqu’il découvre, à l’occasion d’un voyage universitaire, le miel infusé au piment dans une pizzeria nichée au cœur du village brésilien de Vale do Capão, à l’entrée du parc national de la Chapada Diamantina. Conquis par ce topping alors inédit, il décide, à son retour, de s’essayer à sa préparation dans la cuisine de son appartement étudiant. Huit mois plus tard, l’intéressé tient sa recette : un savant mélange de miel, de piment et de vinaigre dont il préfère tenir secret l’exact dosage.
En 2010, Mike Kurtz rejoint la célèbre pizzeria Paulie Gee’s, dans le quartier de Greenpoint à Brooklyn (le groupe compte désormais une dizaine d’adresses dans le pays), en tant qu’apprenti pizzaïolo, et convainc Paul Giannone, son patron, d’inscrire le « hot honey » au menu. Naît alors la « Hellboy », une pizza au pepperoni recouverte d’un filet de ce fameux sirop, dont les notes tantôt épicées, tantôt sucrées-salées connaissent encore et toujours un franc succès.
Quinze ans plus tard, Mike Kurtz, désormais à la tête de sa propre marque, Mike’s Hot Honey, fait plus que jamais son miel de sa création. Son entreprise, basée à Brooklyn, ne connaît pas la crise : 60 millions de dollars, c’est le poids estimé de ses ventes pour l’année 2025, contre 40 millions en 2024. Par-delà l’Atlantique, le miel pimenté de Mike Kurtz, devenu une référence en la matière, est à retrouver dans près de 30 000 épiceries, supermarchés et restaurants à travers les Etats-Unis et le Canada.

Le bonhomme multiplie également les collaborations en tous genres avec sa marque, y compris avec Maille, illustre maison française réputée pour sa moutarde de Dijon, mais aussi avec la marque de saumon fumé new yorkaise Acme, ou encore avec la coopérative agricole californienne spécialisée dans la culture des amandes Blue Diamond Growers. Autant de preuves de la versatilité du « hot honey », lequel est loin de se cantonner à son rôle premier, celui de napper des pizzas. « Il se marie avec tout : du poulet frit aux cocktails, en passant par la crème glacée », dixit Mike Kurtz.
Pour l’heure, freiné par la politique commerciale et les normes de qualité strictes imposées par l’Union Européenne, le concerné n’exporte pas encore sa création outre-Atlantique. Reste que la tendance n’a pas échappé à certains cuisiniers français aux papilles internationalisées… Ainsi peut-on citer Mehdi Favri, qui propose, dans son nouveau restaurant parisien Maslow Temple, un fromage rôti rehaussé de sumac, carvi, coriandre et d’un miel pimenté maison. C’est également le cas de Florent Peineau, chef de la pizzeria Rori, montée dans le 11ème arrondissement de Paris par le tandem Angela Kong et Antoine Bernardin également à la tête du restaurant Bouche, qui en sert une excellente version infusée au piment oiseau, dont il asperge les « slices » de pizza à la mozzarella et au salami piquant. Un régal non sans évoquer le best-seller de Paulie Gee’s signé Mike Kurtz…
Boostée par l’appétit grandissant des palais hexagonaux pour la nourriture pimentée, une poignée de marques de sauces piquantes françaises s’est elle aussi mise à exploiter le filon du « hot honey ». À commencer par Martin Hot Sauce, entreprise familiale basée dans le Loir-et-Cher, qui commercialise entre autres condiments pimentés, un miel infusé au piment habanero 100% français. De quoi définitivement ringardiser l’huile piquante ?
Photos par Dave Jeffers