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Mihaela Iordache : le goût des autres

Le 30 septembre 2021

Active au sein de Belleville Brûlerie depuis des années, Mihaela fait déguster ses cafés et assemblages aux becs les plus exigeants de Paris et au-delà. Echange sur son engagement pour un café plus grand public, aussi. 

Active au sein de Belleville Brûlerie depuis des années, Mihaela fait déguster ses cafés et assemblages aux becs les plus exigeants de Paris et au-delà. Echange sur son engagement pour un café plus grand public, aussi. 

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Le café est un produit organique, simple, millénaire, que tout le monde connaît bien sûr, mais qui peut être pointu. Quel travail faites-vous auprès du public qui franchit les portes de la Brûlerie ?

M.I : Il faut parler à tout le monde. C'est très facile de s'installer dans une posture pédante, on a toujours fui cette posture. On pense à la Brûlerie que le meilleur café du monde peut être facilement compris par quelqu'un qui n'a aucune expérience dans la dégustation du café. Si on intimide pas les gens, si on les rejoint sur leur chemin de la découverte, on peut traverser ces dégustations ensemble. 

 

 

Quelles sont les questions récurrentes concernant votre travail au sein de la Brûlerie, COmment aiguillez-VOUS LES GENS ?

M.I : On commence par le goût toujours. Je crois beaucoup à la séduction du goût. On montre aux gens toutes les possibilités aromatiques, d'autres n'en aimeront pas certaines car ce ne sera pas à leur goût, mais peuvent se rendre compte des possibilités qui s'ouvrent à eux. Lorsque le public se rend compte comme le produit est complexe, là on peut discuter du pourquoi, ce produit est complexe, pourquoi on fait ce travail en particulier, pourquoi ce café est plus cher qu'en supermarché...

Le café est évidemment l'un des produits les plus marketés au monde, un certain élitisme gravite également autour, vous luttez contre cela mais pensez-vous que cela a permis d'EVEILLER les gens à la curiosité ?

M.I : Je pense que c'est dû au fait que les gens s'y intéressent de plus en plus. Les gens voudront mettre plus d'argent dedans. Je ne pense pas que cela aille contre le café. Je pense qu'il faut mettre cet argent dans le produit, pas le marketing, il faut qu'il soit éthiquement produit. Il y a un entre-deux, mais on est heureux de voir autant de personnes qui s'y intéressent. Ce que je disais lors de ma présentation (scène Liquide par Zazie Tavitian, ndlr) le café est un luxe que l'on peut se permettre tous les jours. Je parle d'un café proprement produit, un café que l'on a respecté est forcément plus cher, c'est un café exotique, qui vient de loin et qui fait travailler beaucoup de gens, on a pris l'habitude de le traiter comme une commodité. Il faut juste s'assurer que les marges derrière les prix que l'on voit en tant que consommateur ne soient pas exorbitants. Un café de commodité va ramener beaucoup plus d'argent à la compagnie qui le vend qu'un café de spécialité vendu dans une brûlerie. L'argent va rentrer sur une chaîne éthique. La qualité à un coût, on peut la retrouver dans le goût du produit, on va sentir s'il a été récolté à la main, on va voir à quel point les gens ont été payés pour faire le travail nécessaire et tout cela coûte plus qu'un euro l'expresso, même si cela peut être difficile à accepter.

COMMENT EXPRIMEZ-VOUS VOTRE ECO RESPONSABILITE, CETTE ETHIQUE DU PRODUIT, JUSQU'A LA VENTE  ?

M.I : Lorsque l'on a ouvert la Brûlerie de Belleville en 2013 nous avons décidé de trouver des producteurs avec qui on peut travailler tous les ans. Il y a des cafés que je torréfie depuis 7 ou 8 ans, on grandit ensemble et on s'accompagne. Malheureusement, il y a un voyage pour le café, ce n'est pas très écoresponsable mais nous venons d'achever notre impact carbone et côté production et de notre côté, nous sommes peut être ensemble à 25/30% de toute notre consommation carbone. La plus grosse consommation se fait lorsque la personne achète le café et le prépare à la maison : chauffer de l'eau pendant une heure sans l'utiliser fait exploser l'impact carbone du café, chauffer l'eau dans les machines ou bouilloires aura un impact deux fois plus important que la partie production ou torréfaction. Nous avons investi dans des sachets compostables et on vend en vrac. On essaie de trouver des manières d'avancer même si on a pas encore toute la science pour être zéro impact.

LE CAFE EST UN SECTEUR TRES CONCURRENTIEL NOTAMMENT A PARIS, COMMENT L'ACCUEILLEZ-VOUS ?

M.I : C'est une bonne chose, ce n'est pas concurrentiel. On a toujours été intègre depuis 8 ans, les gens nous suivent car ils savent ce que l'on fait. Je préfère évidemment avoir beaucoup de concurrents qui font la même chose : des gens qui achètent un café proprement récolté, torréfié... On peut avoir un café magnifique dans  n'importe quel coin de la rue plutôt qu'être la seule dans mon coin à Paris où je fais du bon café... Ce que l'on fait depuis le début c'est de la démocratisation du café, dès qu'on le respecte, il goûte ce que le café de spécialité goûte dans ses meilleurs jours. 

FAIRE TOURNER LA BRÛLERIE PREND DU TEMPS, TOUT CE TRAVAIL DE SENSIBILISATION AUSSI. AVEZ-VOUS AUSSI DES IDEES DE COLLABORATION OU DE NOUVEAU PRODUIT A DEVELOPPER ?

M.I : On a des idées de collaborations, avec des cheffes pâtissières, des glaciers, des partenariats côté alcool, notamment avec une distillerie de gin de Montpellier pour une liqueur de café, car il n'y a pas vraiment de bonne liqueur sur le marché. J'aime le gin, le café, on est sur des amers similaires, des notes végétales, c'est très intéressant. Il y a encore tellement de choses que l'on ne connaît pas sur le café, il y a encore beaucoup de travail à faire. 

Hannah Benayoun