Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Aurélien Fabas : l'aliment fermenté entre passé et avenir | Sirha Food

Aurélien Fabas : l'aliment fermenté entre passé et avenir

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Aurélien Fabas est cofondateur du Labo Dumoulin et travaille à un retour de l'alimentation vivante dans notre assiette. Il nous explique pourquoi.

Il serait de bon ton de rappeler ce qu’est un aliment fermenté ? Quelle est sa place dans notre alimentation ?

La fermentation n’est pas nouvelle, elle est millénaire. L’homme a souhaité dompter les bactéries pour permettre aux aliments de se conserver tout à fait naturellement, il s’agit de son rôle premier, comme le lait avec le fromage ou le yaourt. Les autres intérêts permettent de découvrir de nouvelles textures, de nouvelles saveurs et les méthodes de fabrication ne peuvent être que naturelles avec les aliments les plus durables possibles, bien produits. Il vaut mieux le meilleur des ingrédients… Il vaut mieux partir d’une excellente matière première. Il s’agit de jouer sur différents éléments : bactéries ou champignons par exemple, ou ferments. On ajoutera des facteurs tels que la chaleur, l’air, et des aliments accélérateurs de fermentation comme le sucre. La symbiose chimique va faire son œuvre et tout va s’aligner, on découvrira de nouvelles saveurs, de nouveaux goûts tels que l’acidité, l’acétique, l’alcoolique… La fermentation donne une transformation naturelle de l’aliment qui permet également de dynamiser les vitamines et les nutriments, faciliter leur intégration par l’organisme. 

La fermentation permet donc d’allonger la durée de vie d’un aliment en quelque sorte. En quoi l’alimentation fermentée a longtemps été dépréciée, voire évitée en restauration alors que c’est une alternative durable ? 

Les aliments fermentés étaient historiquement consommés en France dans les années 50,60, on consommait du fromage au lait cru, du pain au levain et des vins naturels. Rien de surprenant aujourd’hui, mais à l’époque sont arrivées les Trente Glorieuses, l’accélération de notre économie et de notre croissance. Nous avons fait « la guerre » aux bactéries, une peur s’est développée autour de cela, la peur de la maladie grandissait et il fallait produire à grande échelle. L’industrie agroalimentaire s’est emparée de tout cela et on a pu connaître l’apparition de fromages pour tous, l’avènement du lait pasteurisé également dans toute notre alimentation. Je pense que c’est la première cause de la disparition des aliments vivants dans notre société. On a perdu de fait le goût et on le voit dorénavant, il est difficile de faire adhérer de nouveau un palais dominé par le sucre ou le sel par exemple. Récemment, l’OMS a évoqué l’importance du microbiote, notre deuxième cerveau, qui concentre l’ensemble des bactéries qui se trouvent dans notre corps, il n’a jamais été aussi pauvre que depuis que nous l’étudions. Cela reste un facteur accélérateur d’apparition de maladies telles que le diabète ou l’obésité. Un retour a donc été fait, et il n’est plus forcément déconseillé de consommer des aliments vivants, parfois non pasteurisés quand cela est possible. L’alimentation fermentée revient doucement en force, car il y a peu de procédés, peu de triche avec cette alimentation, en cela, elle est durable. Il existe également un phénomène de mode, l’alimentation fermentée revient à la mode car on est toujours en recherche d’innovation, d’exploration de nouvelles saveurs. 

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Vous êtes vous-même passé par de grands groupes industriels agro-alimentaire, cela vous a-t-il permis de faire le point sur le sujet ?

J’ai effectivement travaillé dans un grand groupe dont le slogan était « Bien manger, bien vivre ». Je suis originaire du milieu de la restauration par mes parents, mes grands-parents, j’ai toujours voulu évoluer dans ce milieu, pour bien manger évidemment mais aussi mieux vivre. Certes, c’était le slogan de ces grandes marques mais au bout de quelques années on se rend bien compte que l’éthique que je recherchais n’y était pas forcément ou en divergence avec mes convictions. C’est une mission indispensable que de nourrir la planète, grâce à des produits garantis d’un point de vue sanitaire et à un prix accessible mais il y a toujours des limites et je les ai découvertes au bout d’un moment. Il n’y avait plus de vie dedans, plus de sens, et nous n’étions pas moteur dans l’amélioration de l’alimentation véritablement. Quand des applis sont arrivées et ont noté les aliments, on cherchait d’autres stratagèmes pour obtenir une meilleure note, pour changer un ingrédient par un autre, pas encore noté. L’éthique n’y était pas et la recherche finale restait la rentabilité et non pas sauver l’humanité. C’était une bonne école, car c’est difficile d’improviser son rôle dans le monde de l’alimentation, on parle de sécurité, de santé. Mais j’ai voulu faire ma part du colibri en proposant une alimentation plus traditionnelle, accessible en termes de prix et réellement bénéfique. 

A quel moment avez-vous pu vous lancer pour le Labo Dumoulin

Cela s’est fait lorsque j’ai rencontré Pascal et Sylvie Dumoulin. Cette dernière est atteinte de la maladie de Crohn, une maladie que l’on peut soulager mais que l’on ne peut guérir. Son époux était chercheur en biologie moléculaire et c’est à 50 ans qu’ils se sont posés des questions sur leur alimentation et ont espéré la changer. C’est ainsi que l’on a évoqué le kéfir de fruit, que l’on boit depuis toujours. Il y a effectivement eu un résultat durable, et fort de cela on s’est rendu compte que l’on ne pouvait tout simplement pas en acheter. 

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Il n’y a pas de marché, cela n’intéresse pas l’industrie ?

Cela n’intéresse pas l’industrie agro-alimentaire tout simplement car si on doit en produire à grande échelle il faut pasteuriser. Le kéfir n’a plus d’intérêt s’il l’est, à l’image du Kombucha, qui est un peu plus présent car de gros industriels s’en sont emparés, mais il est pasteurisé et des ferments sont ajoutés comme des probiotiques. Mais il n’y a aucun lien avec la fabrication originale du Kombucha. Donc il existe un marché, car il y a une attente de consommateurs. J’ai fait des études de mon côté auprès des gens, j’ai essayé de trouver la meilleure recette tout en gardant nos engagements et en 2019, on a souhaité proposer au plus grand nombre un kéfir « bien vivant ». On est passionné par le sujet ce qui nous a mené à nous tourner vers les légumes lactofermentés, qui sont eux aussi vieux comme le monde. Bien que ce ne soit pas au goût de tous, nous nous sommes entourés de chefs pour réussir le meilleur équilibre de goût. Nous nous sommes entourés de mon propre père qui a travaillé en restaurant gastronomique toute sa vie et la cheffe Céline Pham, qui nous a guidé, notamment sur comment défricher les manières de faire des aliments fermentés de manière plus gourmande. 

Lorsque vous avez mené vos études sur le kéfir, est-ce que les personnes interrogées savaient suffisamment de choses sur l’alimentation fermentée ?

Non, il y a un souci de pédagogie. Les mots comme « fermenté » ou « lactofermenté », ne donnent pas envie. Ce mot a un déficit d’image. Il faut goûter, découvrir l’intérêt du kéfir ou voir comment il est fabriqué. Il y a une pédagogie à entreprendre, mais le momentum est bon car c’est une alimentation durable qui est entre le passé et l’avenir, les pouvoirs publics ont également cela en tête. Il y a eu un travail sur les fruits et légumes, les additifs… En 2030, on peut imaginer que les aliments fermentés, vivants, seront un vrai plus dans les recommandations nutritionnelles et auront une meilleure image. Prenez la bière artisanale, le pain au levain… La direction est bonne, elle a du sens, les gens le comprennent, mais le chemin est encore long.

Propos recueillis par Hannah Benayoun

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