Le Geste : Les escargots de Bourgogne avec David Baroche
Par Clément Charbonnier Bouet
Par un jour de rentrée bien pluvieux nous rencontrons David Baroche abrité sous la terrasse de sa brasserie, située rue La Boétie à deux pas des Champs-Élysées. Charcutier de formation, il y met depuis plus de 10 ans à l’honneur la cuisine de bistrot et ses classiques avec une place de choix réservée aux mythiques escargots de Bourgogne, entre la soupe à l'oignon et le pâté croûte. Avant de nous intéresser à leur préparation, revenons
sur quelques notions de base qui caractérisent ces gros escargots, les Hélix Pomatia, qui ravissent toujours autant les touristes friands de sensations fortes.
1 L’escargot, avant la cuisine
Son élevage étant difficile, la majorité des escargots de Bourgogne sont ramassés dans la nature, pas uniquement en France mais aussi pour
beaucoup dans les pays d’Europe de l’Est. Avant sa consommation, il est nécessaire de faire jeûner l’escargot pour lui permettre d’évacuer les végétaux potentiellement toxiques pour l’Homme. Les escargots sont ensuite soigneusement triés, lavés puis cuits dans un bouillon. La cuisson constitue une étape indispensable et préparatoire à la fabrication des escargots. Elle permet de garantir que les chairs sont saines, débarrassées
de leur flore microbienne. Une fois la cuisson terminée, les chairs sont stockées dans le jus de cuisson.
2 Pourquoi est-ce préférable de ne pas faire “dégorger” les escargots ?
Dans la méthode traditionnelle, “dégorger” consistait à faire artificiellement et abondamment baver les escargots avec du sel. Méthode inutilement cruelle : c’est le sel qui met en action les glandes à mucus et rend l’animal “baveux”, alors qu’un escargot sec et rentré dans sa coquille sans être
dégorgé est propre. Faire dégorger des escargots, qui sont déjà asséchés par le jeûne, c’est au passage leur faire perdre trop d’eau et cela conduit
à des chairs moins tendres.
3 “Ce que j’aime véritablement dans les escargots, c’est la sauce”
La croyance populaire voudrait que le fameux beurre persillé fasse tenir à lui seul toute la recette. C’est absolument faux. Si on prend la peine de goûter un escargot de bonne qualité avant de le cuisiner, c’est une chair qui dégage une saveur très singulière et très puissante. On retrouve en effet immédiatement le goût bien précis d’une odeur très familière : celle de la terre mouillée, une fragrance qu'on appelle le pétrichor et qui nous transporte immédiatement dans un champ plein de rosée, horizon indépassable de nombreux parfumeurs et sujet qui interroge la science, jusqu’à inspirer des expériences à gros budget et des chercheurs du MIT.
4 Préparation et montage
Avec de bons ingrédients préparés au préalable, c’est véritablement une recette minute. Une fois équeutés, les champignons sont précuits à la vapeur, 5 minutes, pas plus : David Baroche rectifie d’ailleurs en direct la recette, en discussion avec son commis, pour réduire le temps de cuisson initialement prévu de façon à les garder bien fermes. Ils sont ensuite disposés par 6, la tête à l’envers dans un caquelon de grand-mère fait pour accueillir les 6 escargots. Chaque petite pièce est alors ornée de son nappage de beurre persillé, le chef empruntant alors plus au geste du pâtissier qu'à celui du charcutier.
5 Cuisson sous haute surveillance
Le court passage à la salamandre est une affaire de précision. David Baroche scrute son caquelon avec un oeil plus précis sur la fonte du beurre que les experts du GIEC sur celle des glaciers. Le bon jus exige cette attention pour que les saveurs que le champignon relâche se mêlent parfaitement au beurre sans que l’ensemble ne cuise trop longtemps. Quelques minutes et le tour est joué, c’est onctueux, c’est ferme en même temps, délicieux. Il ne reste plus qu’à espérer un automne bien moche pour se régaler sans scrupule de cette recette aussi indémodable que raffinée, qui saura toujours nous garder le moral au beau fixe.