Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Giovanni Malécot, Breizh of the best | Sirha Food

Giovanni Malécot, Breizh of the best

arrow
Article précédent
arrow
Article précédent
Article suivant
arrow

Par Pomélo

(c) Aurore Nguyen

Il est utilisé à toutes les sauces, ce mot-là. « Meilleur ». Est-ce qu’on a visité toutes les pâtisseries de France ? Est-ce qu’on a la prétention davoir un palais absolu ? Bien sûr que non. Il nempêche que c’était une sacrée claque que de découvrir le travail de la Maison Malécot, située à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). On a goûté un jour, puis deux, puis tous les jours pendant des semaines. Tout était au niveau des plus grands palaces parisiens. Le cake au citron, le pain de campagne, le cornet biscuité maison au beurre noisette et à la vanille), les crèmes glacées, elles aussi maison évidemment, le croissant au miel breton, le chocolat chaud épais… Et puis ce kouign-amann danthologie, un doudou qui semble pourtant moins gras que la concurrence.

 

Plusieurs fois, on a aperçu le co-fondateur et chef pâtissier des lieux, Giovanni Malécot. Sans arrêt au four et au moulin avant qu’on ne discute avec lui « en vrai », puis plus longuement au téléphone. On évoquait les palaces : lartisan de 36 ans a fait une partie de ses gammes au Bristol, à l’époque de feu le très respecté Laurent Jeannin, pâtissier en chef qui éblouissait alors toute la planète sucrée avec son dessert gastronomique qui imite un citron jaune entier. Un de ses rêve se réalise en entrant sous les ors de lun des plus beaux hôtels du pays. Giovanni Malécot accompagnera même son patron en démonstration à Moscou, devant faire en urgence un passeport qu’il navait pas. Sil loue aujourd’hui le côté créatif de la brigade, il pointe également du doigt une « presque mauvaise rigueur ». « Quand on tapprend à lever un pamplemousse, on jette la majeure partie du fruit… ». Le passage de Giovanni au Bristol correspond à lobtention de la troisième étoile au guide Michelin, c’était en 2009, pour le restaurant Epicure, à l’époque dirigé, côté fourneaux, par Éric Frechon.

La passion pâtissière du jeune Breton, qui a grandi du côté de Vitré (Ille-et-Vilaine), démarre tôt. En classe de primaire déjà, il a des envies de gâteaux qu’il prépare avec sa maman. « J’étais un gars dintérieur : mon père était maçon, il a essayé trois ou quatre week-ends de memmener avec lui sur des chantiers mais ça na rien donné. Moi, jaimais ce côté cocooning de la pâtisserie. Quand j’étais en 6ème, on devrait écrire ce qu’on voulait faire plus tard et javais inscrit ‘Je veux faire des gâteaux’. Ça avait faire rire la classe et le comité des délégués. Pour eux, ce n’était pas un métier ».

 

À la fin du collège, le jeune Giovanni déménage en Mayenne pour intégrer un lycée professionnel. Par la suite, il découvre la vie d’un grand restaurant, celui de Jean-Pierre Crouzil, qui a mis le village de Plancoët (Côtes-dArmor) sur la carte gastronomique hexagonale avec ses deux astres au guide Michelin. Il y a du bon -la glace à la vanille préparée en début de service, les herbes du jardin- comme du moins bon. « Je ne veux pas dire qu’on te massacre mais pas loin. Il fallait faire face à des mecs de 40-50 ans avec certains comportements complètement fous ». Giovanni peut tout de même remercier Jean-Pierre Crouzil, décédé en 2020 : en échange dun passage au palais de l’Élysée sur une mission autour du chocolat, il fera rentrer Giovanni dans le grand hôtel de son choix, ce sera donc le Bristol.

Il ny a pas que les assiettes étoilées : Giovanni a appris auprès des plus sérieuses boutiques, comme la Maison Bouvier à Rennes, une enseigne traditionnelle où lon vend des pièces désuètes comme la polonaise, cette brioche ronde garnie de crème pâtissière aux fruits confits. « Déjà à l’époque, je me disais ‘Waouh, quelle force de ne pas être influencé par les modes d’aujourd’hui’. La Maison Bouvier ne copiait pas. C’est ce que je dis à mes jeunes : ‘Faites une pâtisserie identitaire, allez jusqu’au bout de ce que vous avez au fond de vous’ ». Autre moment marquant pour le Breton, sa rencontre avec Romaric Boilley, de la pâtisserie Délices des Sens. Sur place, Giovanni veut revenir à lessentiel, dans un lieu où les broyeuses à lancienne permettent aux pâtissiers d’être de véritables ouvriers et de confectionner jusqu’aux pâtes damandes. « Ce qui me plaisait, c’était le côté brut de lartisanat pour connaître mon métier de A à Z. Il y a des gens qui ont travaillé 10 ans dans un palace mais qui ne savent pas réaliser certaines choses ».

Arrive la période à l’étranger, en partie pour apprendre langlais. New York pour commencer, au sein du Per Se***, lune des tables les plus prestigieuses de toute la ville. Éric Frechon rédige une recommandation auprès du chef Thomas Keller mais la missive se perd en route. Pas grave, Giovanni Malécot file quand même à Big Apple et sollicite un moment avec Thomas Keller au culot. Bingo, il entre dans cette ambassade de la haute gastronomie après avoir patienté quelques mois en France pour des questions administratives. En dehors des frontières, le Breton na pas non plus sa langue dans sa poche et ose demander pourquoi il faut jeter le crémeux au chocolat au bout de 2 jours. « Pourquoi ne pas lenvoyer dans un labo pour vérifier jusqu’à quand elle est bonne ? On ne peut pas faire de la mise en place juste pour faire de la mise en place », sinterroge alors le jeune homme, suscitant lincompréhension de ses pairs.

 

Sa compagne de l’époque - Clémence – devenue depuis son épouse, passée chez Anne-Sophie Pic, part étudier à Bruxelles. Giovanni la suit, travaille dans des restaurants gastronomiques de haute volée (Le Petit bon bon, Le Chalet de la Forêt**) où il prend la place de chef pâtissier et nhésite pas, avant d’être recruté, à demander à ne pas travailler le soir. Étonnement des équipes mais cela marche, tout est question de préparation et de mise en place, dixit le principal intéressé. Son expérience bruxelloise se prolonge avec une affaire à lui, mais vient le temps de rentrer au bercail avec sa moitié, en Bretagne. Rennes est un temps évoqué mais la vie est trop douce à Saint-Malo, où un ancien bar à couleurs de cheveux extrêmement bien situé a été vendu avant d’être de nouveau disponible à lachat. Banco ! Ce sera pour Clémence et Giovanni Malécot, qui inaugurent leur chez eux pendant le Covid, au moment où la plupart des commerces sont priés de fermer… sauf les boulangeries-pâtisseries.

Avec une vitrine aussi soignée et de cette qualité, le bouche-à-oreille ne tarde pas à se faire : en peu de temps, le roulé à la cannelle, fierté du pâtissier, voit ses ventes tripler, passant de 15 à 50 pièces écoulées quotidiennement. Si vous passez par Saint-Malo, allez commander un jambon-beurre, monté à la commande : dabord la grosse meule dun kilo, tranchée. Puis le beurre de chez Bordier, la grande référence locale. Enfin, le comté 18 mois daffinage et le beau jambon sans nitrites. Alors peut-être bien que le palais absolu n’existe pas, et pourtant…