Le surpoids sévère et l’obésité ont définitivement gagné du terrain chez toutes les populations du globe.
Une alimentation bien trop abondante, de mauvaises habitudes couplées à une sédentarité croissante, seraient les principales causes de cette escalade difficile à stopper. Le problème en trois questions adressées au Docteur Nicolas Contival, qui œuvre en chirurgie bariatrique en France.
Quelle part occupe le sujet de l’alimentation dans cette augmentation du taux de l’obésité ?
L’alimentation occupe évidemment une part très importante. C’est même une discussion encore difficile à aborder avec les patients. Il y a toujours des erreurs alimentaires, sans être dans le reproche, ce ne sont que des faits. Dans notre société actuelle, nous avons accès à une nourriture excessivement riche et abondante. En parallèle, les dépenses physiques décroissent et la sédentarité s’installe de plus en plus. Cependant, il faut également souligner qu’à erreurs alimentaires égales, nous ne réagissons pas tous pareil : la composante génétique intervient. On observe une causalité commune qui est l’accès à cette nourriture toujours plus abondante et surtout, tout le monde n’est pas égal non plus face à cette obésité car entre en compte un potentiel génétique à réguler.
L’alimentation transformée est souvent la cause pointée du doigt, mais vous pointez également l’abondance.
On constate effectivement que l’on a accès en abondance à une nourriture de mauvaise qualité depuis longtemps. On observe que l’on mange de plus en plus, et quotidiennement à haute fréquence, des produits non cuisinés et transformés, saturés en calories et c’est cela qui est délétère pour notre corps. Il y a cet imaginaire des personnes atteintes d’obésité qui mangeraient toute la journée, c’est caricatural car ce n’est évidemment pas aussi simple, ce n’est pas du tout binaire. On parle d’erreurs multiples, diverses, c’est un ensemble. Il y a bien sûr des erreurs diététiques, c’est un fait, mais il y a beaucoup de types d’erreurs possibles : une alimentation qui n’est pas variée, de l’hyperphagie (un problème de dosage de quantité, ndlr), d’autres qui sont dans la restriction permanente et qui envoient des signaux de disette au corps qui garde pour réflexe de stocker. Le phénomène du régime est également catastrophique pour le corps qui va s’emballer et encore une fois se remettre à stocker.
Est-ce que les pouvoirs publics s’emparent suffisamment du sujet, est-ce que la prévention est suffisante ?
Nous avions accès à des études intéressantes financées par des laboratoires (notamment Roche, ndlr) qui ne sont dorénavant plus financées car les fonds sont insuffisants. Ces études, appelées OBEPI (Obésité et Epidémiologie) permettaient d’avoir accès à de grands recueils statistiques sur l’obésité dans notre société. On observait alors plusieurs choses : une augmentation de la prévalence de l’obésité dans le monde et que la France n’échappait pas à cette pandémie. Deuxième constat, dans les années 2010, on observait un ralentissement de la progression de l’obésité en France avec des résultats satisfaisants, la courbe s’aplatissait et semblait récolter les fruits de ces politiques de prévention, notamment le PNNS (Programme National Nutrition et Santé). Depuis, la courbe est repartie à la hausse et nous ne parvenons pas à endiguer ce phénomène. Nous avons accumulé de mauvais comportements, allier facilité et plaisir reste une tendance humaine, mais la nourriture la plus simple n’est pas forcément la plus chère. Les produits transformés sont très chers, ce sont de vrais poisons pour le corps. La nourriture locale, bio, peut être plus onéreuse et c’est une réalité économique, mais il y a des alternatives et plusieurs degrés à explorer. Il est important de regarder un peu en arrière, repenser à tout ce que nos grands-parents ne mangeaient pas car nous n’en avons pas besoin. Nous avons acquis sur des décennies des habitudes alimentaires qui n’étaient pas les nôtres.
Propos recueillis par Hannah Benayoun
Photo : SJ Objio
