Par Jean-Pierre Montanay
Avec sa tige au dégradé de couleurs rouges, rosées et vertes, la rhubarbe attire l’œil sur les étals qu’elle occupera jusqu’en juillet. Sur les marchés, ce pétiole fibreux ne fait pas toujours l’unanimité en raison de son goût acidulé qui, selon les palais, fait grimacer ou saliver. Pas étonnant que cette plante, dont les feuilles ne sont pas comestibles car toxiques, soit si clivante avec un nom qui, en latin, signifie « barbare ».
Originaire de Sibérie, la rhubarbe est réputée pour son côté rustique et sa grande résistance au froid. Arrivée en Europe au XVIème siècle, elle est d’abord réputée en France pour ses vertus médicinales, avant d’être finalement cultivée pour sa consommation. A l’inverse, elle conquit les assiettes britanniques plus rapidement, en influençant profondément la pâtisserie familiale avec la fameuse « rhubarb pie » dont le succès perdure encore aujourd’hui.
Les amateurs alors se posaient la question : cette tige avait-t-elle atteint son plafond de verre en cuisine avec les crumbles et autres confitures, ou pouvait-elle s’inviter dans la gastronomie contemporaine ? En quelques années, la rhubarbe a séduit toute une jeune génération de chefs et de pâtissiers sous le charme de son principal défaut, l’acidité, devenu son atout numéro un.
Devenue officiellement un fruit en 1947 après avoir été injustement considéré comme un légume, cette plante symbolise aussi le végétal qui reprend petit-à-petit nos assiettes. Cheffe du « Faubourg Daimant », restaurant pionnier en matière de cuisine végétale, Alice Tuyet apprécie ce qu’elle décrit comme « son acidité croquante et sa douceur florale » dans une recette toute simple : une compotée rhubarbe-fraises avec crème montée à la verveine. Hybride, la rhubarbe apprécie aussi le salé et se marrie volontiers avec du poulet ou des maquereaux, et, tel un condiment, peut se dévorer crue, émincée comme une branche de céleri, afin de booster une salade estivale, par exemple.