Nabil Zemmouri, Alea Jacta Restes
« Tu lui donnes de l’eau, il te fait un repas cinq étoiles », « Avec 50 euros, lui, il tient trois ans », « J’ai un pare-chocs de 208, une brique de lait périmée de 2007 et de l’eau stagnante, tu penses que je peux faire quoi ? », « Je vous découvre… vous êtes un génie ». Ces commentaires, mi-taquins, mi-admiratifs, postés sous ses vidéos, sont unanimes : Nabil Zemmouri a ce drôle de superpouvoir de transformer des fonds de frigo en assiettes qui pourraient sortir d’une table étoilée.
Par Pomélo
(c) Fabien Breuil
« Tu lui donnes de l’eau, il te fait un repas cinq étoiles », « Avec 50 euros, lui, il tient trois ans », « J’ai un pare-chocs de 208, une brique de lait périmée de 2007 et de l’eau stagnante, tu penses que je peux faire quoi ? », « Je vous découvre… vous êtes un génie ». Ces commentaires, mi-taquins, mi-admiratifs, postés sous ses vidéos, sont unanimes : Nabil Zemmouri a ce drôle de superpouvoir de transformer des fonds de frigo en assiettes qui pourraient sortir d’une table étoilée.
Par Pomélo
(c) Fabien Breuil
Ce mécanisme est devenu sa signature. Ses 2,5 millions d’abonnés (Instagram, TikTok, YouTube réunis) lui écrivent : « Il me reste une fin de Boursin, trois abricots trop mûrs, un bout de courgette et un fond de farine », ou lui avouent leurs « recettes de la flemme » – pâtes au ketchup, gruyère, nuggets surgelés. Lui reprend exactement les mêmes produits, tutoie tout le monde, et montre en vidéo ce qu’il en ferait : une version haut de gamme, dressage millimétré, petite astuce de chef. Et il boucle tout ça par son « Allez, ciao » devenu sa marque. Dans le lot, il glisse des trouvailles qui expliquent son succès – par exemple les pieds de brocoli qu’on ne jette pas mais qu’on transforme « en meilleurs cornichons à burgers ». Carton plein pour l’intéressé au sourire Freedent et à la carrure athlétique, lui qui s’est d’abord rêvé footballeur. France Télévisions l’a repéré : il anime désormais Le Chef Des Défis à Petits Prix sur Slash, la chaîne numérique des 18-30 ans. Son livre, Extraordinaires : Transformez 50 recettes du quotidien pour enfin sortir de l’ordinaire, est sorti en 2023 aux éditions Marabout, à peine deux ans après ses premières vidéos.
Derrière le show, il y a une histoire très précise. Il le répète aux médias : il doit beaucoup à sa famille originaire de Béjaïa, en Kabylie (Algérie). Dans cette fratrie de sept enfants, la mère ne jetait rien. Les restes de viande ? Recyclés en boulettes pour les sandwichs de la semaine. L’aîné, Nabil, jouait les commis : il épluchait les pommes de terre et sa mère lui faisait croire que c’était lui qui avait fait le repas. Plus tard, il pressera l’ail, mélangera la béchamel, puis tentera ses premiers desserts : il raconte ainsi au média en ligne Jeune Afrique qu’il avait cru qu’en fourrant une demi-pomme dans une pâte feuilletée, le passage au four allait la transformer en compote… De ce raté est née plus tard son dessert signature : un chausson aux pommes avec la moitié de la pomme badigeonnée d’un caramel au basilic. Côté palais, il reste d’ailleurs très famille : il cite le bœuf bourguignon comme plat préféré, parle de sa mère comme de « la reine des gougères au comté », de la blanquette de veau piquée aux clous de girofle, ou encore d’un flan pâtissier assaisonné à la pistache, à la rose, aux amandes et au citron vert.
Son CV est à son image : pas linéaire mais obstiné. Bac L, BTS commerce-vente d’abord, « parce qu’il faut un diplôme ». Mais sa tête est toujours en cuisine. Il s’inscrit à l’école hôtelière de Montargis (Loiret), qui le renvoie parce qu’il amuse la galerie – sans entamer pour autant son envie de devenir cuisinier. Grâce à un oncle, il approche le cercle du chef trois étoiles Gilles Goujon, dans le village de Fontjoncouse (Aude), enchaîne les expériences jusqu’à prendre les commandes des fourneaux d’un restaurant de maison d’hôtes, La Minotte, dans les Yvelines. Ce n’est pas encore la notoriété, mais c’est là qu’il aiguise ce qui fera sa marque : cuisiner bon, beau et pas ruineux.
C’est d’ailleurs son principal cheval de bataille : prouver qu’on peut faire le repas de toute la semaine – entrée, plat et dessert – pour 50 euros. Dans ses vidéos, il pousse le concept encore plus loin avec ces repas pour quatre étudiants pour moins de 8€ au total. Cette pédagogie-là plaît au public mais aussi aux marques : Pyrex, Samsung, Leclerc, ou même le navigateur doté d’IA Perplexity ont déjà collaboré avec lui. Installé à Argenteuil, dans le Val-d’Oise, il a pris une autre dimension avec une vidéo devenue virale où il transforme de simples avocats trop mûrs en tortillas : 13,2 millions de vues uniquement sur TikTok.
Aujourd’hui, des chefs parisiens pourtant étoilés veulent s’afficher avec lui : on le voit aux côtés de Frédéric Simonin, ou de Jean-François Rouquette au Park Hyatt Vendôme. Même l’Ambassade des États-Unis à Paris a fait appel à lui pour l’un de ses terrains de jeu favoris : réutiliser les restes d’un déjeuner et en faire un dîner officiel servi à l’Ambassadrice. Il y a chez lui un mélange qui séduit : la culture antigaspi héritée de sa mère, la maîtrise technique apprise dans un restaurant trois étoiles, et une proximité avec son audience, essentiellement digitale. Une star mais une star simple et accessible, à l’image de sa cuisine.