Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility La revanche du cronut : manifeste pour des douceurs françaises mondialisées | Sirha Food

La revanche du cronut : manifeste pour des douceurs françaises mondialisées

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Par Pomélo

Longtemps figée dans le moule de la grande tradition, la pâtisserie française (tout comme la viennoiserie) de boutique conserve sa suprématie à travers la planète mais apprend à se métisser au contact de cultures étrangères.  

Quand Dominique Ansel lance un nouveau projet, le milieu de la gastronomie observe attentivement de quoi il s’agit. Ce Picard de 47 ans a en effet créé, en 2013 à New York, le « cronut », croisement entre un croissant et un donut devenu, en un rien de temps, une icône contemporaine de la pâtisserie mondiale. Douze ans plus tard, ce qui n’était qu’une douceur éphémère pour le week-end de la Fête des mères génère jusqu’à 8 000 $ de chiffre d’affaires… chaque jour (et, si vous vous demandez si le cronut existe aussi en bougie parfumée, la réponse est : oui). 

Dominique Ansel vient justement d’inaugurer, il y a quelques jours, Papa d’Amour. Cette fois, place à un concept qui explore la culture du pain et du sucré d’Asie de l’Est, chère à ses deux enfants et à son épouse originaire de Taïwan. L’egg tart (proche du pastel de nata portugais), si populaire dans la région, se pare ici de crème pâtissière, d’une pâte sablée parsemée de bretzel croustillant, puis d’une touche de beurre de noisette à la sortie du four. Le shokupan, souvent décrit comme un pain de mie japonais, est proposé dans une version feuilletée. Un monde lointain et des techniques en partie françaises.  

À New York toujours, Eunji Lee a fait sensation en ouvrant sa pâtisserie Lysée en 2022. Formée chez Cédric Grolet à Paris, elle y prépare un épi de maïs en trompe-l’œil, une brioche garnie de crémeux de maïs, des madeleines nappées de caramel et de crème au yuja (agrume coréen sucré, acide et légèrement amer) ou travaillées au daechu (jujube coréen). Quant au kouign-amann breton — rebaptisé « KA » pour faciliter la prononciation — il est, aux beaux jours, coupé en deux puis garni d’une glace maison à la vanille et d’un filet de dulce de leche. « Mon inspiration pour ouvrir Lysée était de réunir mon héritage coréen, ma formation française et les saveurs de New York », a-t-elle confié au magazine Rose & Ivy. 

Gordon Ramsay qui ouvre une table asiatique à Londres (Lucky Cat), Yannick Alléno qui se frotte au Japon (restaurants Pavyllon), Alexandre Giesbert (Daroco) qui devient ambassadeur des saveurs espagnoles avec Casa Pregonda attendue à Paris d’ici la fin du mois : les chefs ne veulent plus rester dans leurs couloirs. Ils osent franchir les frontières culinaires, même si certains dénoncent un risque d’appropriation culturelle. En 2025, l’identité des pâtissiers se révèle, elle aussi, plurielle ; il ne faut pas craindre les mélanges : ils créent des ponts entre les cultures et font découvrir produits et traditions. Toute la Bretagne devrait applaudir quand le kouign-amann passe entre les mains d’une pâtissière forte de près de 80 000 abonnés sur Instagram et plébiscitée par le New York Times. 

À partir des années 2000, le Japonais Sadaharu Aoki a joué les précurseurs à Paris avec ses éclairs au matcha et autres créations mêlant thé vert ou azuki (haricot rouge) à des classiques français. Une dizaine d’années plus tard, son compatriote Mori Yoshida — installé au 65, avenue de Breteuil dans le 7ème arrondissement de Paris) — lui a emboîté le pas avec des flans au sésame noir ou des fraisiers parfumés au shiso. On attend désormais avec impatience d’autres gâteaux hybrides : non pas des gadgets, mais les signes d’une nouvelle ère pour la pâtisserie française, ouverte sur le monde, capable d’en faire la synthèse et de mettre en valeur les multiples influences et obsessions de leurs auteurs. 

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