La cuisine au foin : paille et fines herbes dans nos assiettes
Par Jean-Pierre Montanay
Chez « Inari », la table de Céline Pham située en Arles, le menu dégustation servi au déjeuner se termine, en ce jour d’été, par une profiterole avec une glace au… foin ! Du foin infusé dans la crème qui donne au dessert un goût subtilement fumé et végétal. Mais il ne s’agit pas de n’importe quel foin, celui-ci est récolté tout près de la ville aux arènes, dans la plaine de Crau. Ce foin est le plus réputé au monde, grâce à une AOC obtenue en 1997, devenue AOP en 2015. 9000 hectares sont ainsi concernés par cette appellation.
La petite histoire retiendra qu’il s’agit d’une première du genre concernant un produit agricole non destiné à l’alimentation humaine. Jadis territoire aride, cette plaine s’est transformée au fil des siècles grâce à l’irrigation gravitaire en une terre fertile qui produit un fourrage d’exception d’une incroyable biodiversité, riche en graminées dont le dactyle pelotonné, en légumineuses incluant le trèfle violet et en herbes diverses. Bref, un foin sur-vitaminé qui donnerait, à entendre ses producteurs, des ailes aux chevaux de course et un lait plus abondant chez les vaches laitières.
Il n’y a cependant pas que le bétail qui raffole de cet ingrédient qui a fait son entrée dans les cuisines des grandes tables. Auréolé de ses appellations, le foin de Crau a séduit depuis bien longtemps Alain Passard, l’un des chefs pionniers avec son mythique poulet au foin, cuit en cocotte lutée.
Le foin de Crau est la « crème » du foin de cuisine mais d’autres terroirs ont aussi le leur : celui des alpages savoyards est privilégié par René et Maxime Meilleur, les chefs de La Bouitte***, pour confectionner un beurre au foin ainsi qu’une pomme rôtie. Quant à Florent Layden, dans son Auberge du Vert Mont*, dans le Nord fleurtant avec la frontière belge, il cueille son foin des Flandres dans le jardin de l’auberge pour réaliser un œuf de « poule heureuse », fumé au foin.