Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Hugo Chaise, le costaud du miso | Sirha Food

Hugo Chaise, le costaud du miso

Le 17 février 2023

De retour en grâce dans la gastronomie, la fermentation demeure un territoire plein de mystère. Où Hugo Chaise, trentenaire formé à la cuisine et boss de My Fermentation à Paris, s’aventure sans crainte. Portrait.

De retour en grâce dans la gastronomie, la fermentation demeure un territoire plein de mystère. Où Hugo Chaise, trentenaire formé à la cuisine et boss de My Fermentation à Paris, s’aventure sans crainte. Portrait.

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« Dans la fermentation, ce qui me drive, c’est que ça apporte une vraie plus-value culinaire. » Dans son laboratoire du IIIe arrondissement de Paris, Hugo Chaise, caréné comme un deuxième-ligne de rugby, s'adonne à la fermentation pour fournir à ses clients, professionnels et particuliers, des produits d'une exigence rare en la matière.
Ici, pas de ces misos pour soupe nippone de piètre qualité. Ici, l’excellence prime. Pas par snobisme, mais par goût du bon, qui lui vient de son parcours, aussi atypique que formateur.

Australie, Japon, Noma 

Après un BTS d’hôtellerie restauration et deux ans au pôle espoir de rugby à Grenoble, Hugo choisit son terrain de jeu en intégrant la brigade de Christophe Bacquié comme commis. Quatre ans et demi et un aller-retour chez Robuchon plus tard, il s'envole d’abord vers l’Australie puis, à l’été 2017, vers le Japon avec un visa vacances-travail. Responsable de la cuisine continentale au sein de l’hôtel Ki Niseko, il (re)découvre les grandes références de la cuisine japonaise au côté du chef Shinichi Maeda. « J'ai goûté des bons misos, des bonnes sauces soja et surtout j'ai appris comment s’en servir pour faire autre chose que des soupes. »
Sept mois plus tard, le colosse enfile son sac à dos et part explorer le Japon. « La chance que j’ai eue, c’est d’avoir une carte de visite en japonais qui m’a permis d'entrer dans certains endroits où autrement on ne m’aurait pas ouvert la porte ; mais également de rencontrer des gens qui parlaient anglais et qui m’ont permis d’avoir un réseau très rapidement. »
Grâce à ces contacts, les visites de brasseries de miso et de sauce soja s'enchaînent. En parallèle de ce pèlerinage fermenté, Hugo décroche un stage dans le labo du Noma, à Copenhague, aux côtés de David Zilber et Jason White, les deux maîtres ès fermentation de la bande à Redzepi. « Là aussi, c’est une opportunité que je saisis : je vois passer l’annonce durant une nuit d’insomnie, donc je postule, mais sans avoir spécialement le projet de bosser là-bas. »

« J'avais une carte à jouer »

À l’issue de cette période, naît en lui la volonté de mettre en place un labo de fermentation en France, « mais pas seulement orienté vers les professionnels ». En France, la mode prend de plus en plus d’ampleur. Pourtant, au fil de rencontres et de dégustations, Hugo se rend compte que la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. « Le gros frein à l’entrée du monde de la fermentation c’est qu’on n’a pas forcément le référentiel gustatif pour savoir si le goût de ce qu’on fait correspond à ce qu’il devrait être. Quand j’ai commencé à goûter ce qui existait en France, je me suis rendu compte que personne ne faisait les choses à la hauteur du Noma. Et je me suis dit que j’avais une carte à jouer. »

Nous sommes début 2020, Hugo vient de rentrer en France et a décroché une place au Cinq, qui va fermer ses portes quasiment dix-huit mois. Une période qu’il va mettre à profit pour lancer son projet, d’abord sous la forme d’un compte Instagram. À domicile, il popote des misos* – « J’avais tout appris au niveau technique au Noma, donc ça a été relativement facile de produire chez moi » – des kombuchas, des kéfirs ou encore des ginger beers qu’il va commencer à commercialiser.

Teams Koji et Kombucha

Aujourd’hui, dans son labo ouvert en septembre 2021 (dans l'arrière-boutique d'une boulangerie Poilâne), on retrouve ces mêmes produits que l’on pourrait classer en deux équipes : la team Koji et la team Kombucha. « La production est bien compartimentée, parce qu’en termes de microbiologie ce serait hyper risqué de faire cohabiter les deux. ».
Pour le kombucha, le processus est assez similaire à celui du vinaigre. On part d’une base liquide, en l’occurrence du thé, noir ou blanc, que l’on va mettre au contact d’une mère, le scoby (acronyme anglais pour Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast, ndlr). Cette masse gélatineuse qui ne cesse de grandir est réutilisable à l’infini et se partage. « Mes mères viennent du Noma », précise Hugo. Ce kombucha neutre peut ensuite être aromatisé au fil des saisons, en y faisant macérer fruits ou épices.


La team Koji a pour base… le koji. Un champignon qui va se développer sur une céréale, dans la majorité des cas, du riz ou de l’orge – de Camargue, pour Hugo, et ses légumineuses viennent d'Anjou. « Ça demande un peu de technique parce qu’il faut tremper et cuire la céréale de la bonne manière, ensuite l’ensemencer de la bonne façon et au bon moment puis la conserver dans des conditions optimales de température et d’humidité. » Une fois ce koji prêt, il peut être utilisé pour réaliser les fermentations que l’on souhaite. Dans le cas du miso classique, ça sera de la fève de soja mais les possibilités sont larges. « En gros, le champignon a besoin de substrat pour le transformer en miso. Dans le cas du miso traditionnel, c’est la protéine du soja. Mais une fois le processus appris et maîtrisé, les applications sont larges. Par exemple, j’ai toute une gamme avec des légumes, comme le potimarron, le topinambour ou le maïs, et je continue à explorer des possibilités régulièrement sur d'autres produits. »
Au-delà du miso, ce koji sert de base à de nombreux autres produits phares japonais tels le shoyu (la sauce soja) qu'Hugo produit également, le sake ou encore le shochu (un alcool blanc de patate douce). « J'aimerais également détourner le koji de son usage traditionnel pour bosser sur des charcuteries végétales dans l'idée d'un katsuobushi », ajoute-t-il, enthousiaste et déterminé.

J'aimerais également détourner le koji
de son usage traditionnel pour bosser sur des charcuteries végétales, dans l'idée d'un katsuobushi »

Un large champ des possibles donc, qui résume finalement parfaitement ce qu’offre la fermentation : un territoire d’expérimentation aux frontières indéfinies que les chefs défrichent à grands coups de tests divers et variés. Dans la découverte de cette contrée encore mystérieuse, Hugo chemine avec grands noms de la gastronomie. Anne-Sophie Pic, Romain Meder ou encore Florent Pietravalle lui font confiance pour explorer ce monde à ses côtés.

*Au Japon, le terme miso est seulement employé pour une fermentation issue du soja.

Texte et photos Florian Domergue

My Fermentation
38 rue Debelleyme, (dans la boulangerie Poilâne), 75003 Paris
 

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